Il y a des photos qu’on ne prend qu’une fois dans sa vie. Celle-là nous arrive du large des iles Mingan et de l’ile d’Anticosti. Ce secteur attire présentement des rorquals communs et des rorquals à bosses par dizaine, en plus d’une douzaine de baleines noires de l’Atlantique Nord, des marsouins communs plus qu’on ne peut en compter et des dauphins à flancs blancs. Si une telle abondance époustoufle déjà, le saut d’un rorqual commun, lui, fascine encore plus.

Théoriquement, toutes les espèces de baleine peuvent sauter. Certaines le font plus que d’autres, comme les rorquals à bosse, les baleines noires de l’Atlantique Nord et les espèces de dauphins. Les petits rorquals aussi sont de bons sauteurs, comme celui qui a surpris une résidente de L’Anse-au-Griffon le 16 aout en s’élançant 11 fois dans les airs!

D’autres espèces sont moins aériennes. Le saut semble alors être plutôt un comportement adopté par certains individus. C’est le cas des cachalots, chez qui les sauts sont plus fréquents chez les petites femelles et les jeunes que chez les mâles.

Chez les rorquals communs ou les rorquals bleus, les sauts sont rares! Jacques Gélineau, navigateur passionné de baleines, n’a eu la chance de voir un saut d’un rorqual commun qu’une seule fois malgré des dizaines d’étés passés sur l’eau. «C’est le genre d’observation mémorable et rare», confirme Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), qui a eu, lui, le privilège de voir quelques sauts de rorquals communs en 35 ans de carrière.

Même chez les espèces qui ont des comportements aériens plus fréquents, les sauts restent très exigeants physiquement. La fonction des sauts doit donc être suffisamment importante pour valoir la dépense énergétique.

Pourquoi sauter, alors? Les hypothèses varient selon les espèces, les lieux, le moment de l’année. Les explications les plus fréquentes évoquent la socialisation, la communication, l’enlèvement de parasites ou encore le jeu.

Des moments de grâce

Quelques rorquals à bosse ont pu être identifiés dans le secteur habituellement couvert par la Station de recherche des iles Mingan en Minganie. Aramis et son veau, qui avaient été vus au large des iles Turques et Caïques cet hiver, nagent dans ce secteur. «C’est réjouissant de voir qu’elles ont bien réussi à effectuer leur migration», souligne Christian Ramp, responsable du catalogue de photo-identification des rorquals à bosse du Saint-Laurent. Tracks et Tingley ont aussi été observées.

Des plaisanciers vivent un moment de grâce le 15 aout au large de l’ile aux Pommes. «Cela fait 60 ans que j’observe des baleines dans l’estuaire et c’est la première fois que je vois cela», s’étonne un membre de l’équipage. Sept ou huit rorquals bosses nagent presque un par-dessus l’autre tellement ils sont proches. Les baleines roulent sur elles-mêmes, lèvent les nageoires pectorales, les queues, émettent des sons graves. Un moment d’une grande beauté, et si intrigant!

Du côté du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, l’équipe de recherche du GREMM a l’impression de naviguer dans un dortoir de baleines, le 17 aout en matinée. «Toutes les baleines sont mollo, elles reposent à la surface sur un fleuve en miroir, c’est fascinant», raconte Robert Michaud. Pour la photo-identification, cela complique les choses, parce que les flancs des rorquals communs sont peu visibles et les rorquals à bosse ne lèvent pas la queue. Néanmoins, certains rorquals communs se laissent plus facilement identifier que d’autres, comme Boomerang, connue depuis 1990. Quel plaisir de revoir une vieille connaissance!

Et quelques déceptions

«C’est tranquille pour les baleines à souffle», s’étonne un observateur de Pointe-des-Monts. Cette année, il ne voit presque pas de grands rorquals, seulement quelques petits rorquals et marsouins communs. «Cette semaine, je n’ai vu que trois rorquals à bosse qui filaient à toute vitesse. Ils avaient l’air pressés d’arriver dans l’estuaire», relate-t-il.

Un plaisancier de Matane rapporte aussi plusieurs sorties sur l’eau sans croiser de mammifères marins, après des semaines où leur présence se faisait bien sentir. Il cherchait à repérer le rorqual à bosse en difficulté. Finalement, c’est du côté parc marin du Saguenay–Saint-Laurent qu’il est revu les 15 et 17 aout. Malgré les recherches ciblées pour le retrouver et la forte présence d’embarcations dans le secteur, il n’a pas été revu.

Du côté de Cacouna, une observatrice pour le Réseau d’observation de mammifères marins recense et photo-identifie les bélugas. «Je vois beaucoup de veaux parmi les groupes de bélugas», se réjouit-elle. «Toutefois, je trouve dommage de voir trop souvent des plaisanciers s’approcher un peu trop des bélugas, même si la loi demande qu’on garde 400 mètres avec eux.» Les bélugas sont particulièrement sensibles à la présence d’embarcation près d’eux. En pleine période des naissances pour les bélugas, prenons soin des bélugas en naviguant à distance d’eux, pour donner la chance aux petits et aux mères de construire leur relation en toute quiétude.

Où sont les baleines cette semaine? Voilà ce que nos collaborateurs et collaboratrices ont vu!

Ces observations donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!

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Observations de la semaine - 20/8/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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