Cette vidéo a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux. Et pour cause. Quel émerveillement de voir le monde à travers les yeux d’un jeune rorqual à bosse, d’observer la douceur des contacts entre la mère et son petit, et surtout d’assister de si près à l’allaitement d’une baleine! Mais derrière la magie que véhiculent ces images, il y a aussi un protocole de recherche visant à mieux comprendre les comportements d’allaitement des rorquals à bosse.
Documenter une période critique
Le projet porte spécifiquement sur les populations de rorquals à bosse du Pacifique Nord. Chaque année, en hiver, près de dix mille rorquals à bosse se retrouvent dans les eaux chaudes et relativement abritées d’Hawaii pour y mettre bas. Pendant environ trois mois, les mères baleines à bosse allaitent leurs petits sans se nourrir elles-mêmes. Pour cela, elles comptent entièrement sur les réserves énergétiques accumulées pendant l’été dans leurs zones d’alimentation. À la fin de l’hiver, les veaux devront être suffisamment vigoureux pour suivre leur mère dans leur migration vers les eaux froides remplies de krill ou de petits poissons, en Colombie-Britannique, en Alaska ou en Russie.
La période de mise bas est donc un moment particulièrement critique dans la vie d’un rorqual à bosse. La survie de la mère comme du petit dépendent d’un grand nombre de facteurs, et notamment du bon déroulement de l’allaitement. Pour pouvoir documenter et quantifier cet allaitement, qui se passe sous la surface de l’eau, à l’abri des regards, une équipe de chercheurs du Marine Mammal Research Program (MMRP) de l’Université d’Hawaii a équipé sept veaux rorquals à bosse d’une balise à ventouse de type «CATs Cam», munie d’une caméra.
Non invasives, ces balises se posent depuis un bateau grâce à une perche télescopique. Elles restent fixées entre 5 et 24 heures, puis se détachent d’elles-mêmes avant d’être récupérées en mer par l’équipe de recherche ou des opérateurs d’écotourisme locaux. Grâce à ces balises et à des vues aériennes prises par des drones, de nombreuses informations ont été récoltées comme la fréquence et la durée des allaitements, la vitesse et la durée des déplacements, les mouvements respiratoires, etc. La caméra, elle, nous a offert une plongée dans l’intimité des baleines, révélant des comportements maternels délicats rarement observés de si près.
L’analyse des données s’échelonnera sur plusieurs mois, voire années, avant de tirer tout le potentiel de ce qui est enregistré par les balises. En plus d’augmenter les connaissances sur la relation mère-veaux, les études pourraient aussi permettre de mieux cibler les mesures de protection des baleines à une période où elles sont particulièrement vulnérables.