Les collections des musées regorgent de fossiles qui prennent la poussière. Cependant, en étudiant à nouveau un fossile de baleine vieux de 33 millions d’années de la collection nationale du Smithsonian’s National Museum of Natural History aux États-Unis, une équipe de paléobiologistes vient de trouver un indice crucial pour déterminer d’où viennent les fanons des baleines.

Les fanons sont uniques aux baleines. Ils pendent du haut de leur mâchoire et agissent comme un peigne dont les dents seraient très nombreuses et près les unes des autres. Pour s’alimenter, les baleines ayant des fanons engouffrent d’énormes quantités d’eau qui sera évacuée à travers ces peignes, emprisonnant ainsi les petits poissons et les crustacés dans leur mâchoire.

Un ancêtre avec la bouche vide

Les baleines se divisent en deux grands groupes : les baleines à dents et les baleines à fanons. Longtemps, pour expliquer l’apparition des fanons, on a cru qu’une portion des baleines à dents a graduellement développé des fanons et perdu sa dentition. Pourtant, le fossile dormant dans les archives du musée, celui d’une ancienne espèce de baleine, Maiabalena nestittae, n’a ni l’un ni l’autre. Il faut maintenant revoir le scénario !

Comment se fait-il que les paléontologistes aient manqué ce détail en cataloguant le fossile il y a des années ? C’est que les fanons ne résistent pas très bien à l’empreinte du temps. Comme ils sont composés de kératine, comme nos cheveux et nos ongles, ils ne se fossilisent pas facilement. Il ne suffit donc pas d’observer la mâchoire d’un fossile de baleine pour déterminer si elle avait des fanons ou non.

L’équipe du Smithsonian, mené par Carlos Mauricio Peredo, a donc fait passer un scan haute-résolution au fossile. De cette façon, ils ont pu voir ce qui se trame à l’intérieur même de l’os de la mâchoire. Si, chez les baleines contemporaines, la mâchoire est parsemée de nombreux sillons microscopiques qui permettent le passage d’un réseau de vaisseaux sanguins qui irriguent les fanons et les dents, Maiabalena, elle, n’a pas l’ombre d’une perforation !

«C’est la première fois que nous pouvons localiser l’origine de l’alimentation par filtration, ce qui est l’une des innovations majeures de l’histoire évolutive des baleines», s’enthousiasme Carlos Mauricio Peredo en communiqué de presse.

«C’est la première fois que nous pouvons localiser l’origine de l’alimentation par filtration, ce qui est l’une des innovations majeures de l’histoire évolutive des baleines», s’enthousiasme Carlos Mauricio Peredo.

Manger comme un aspirateur

Reste à savoir comment une baleine édentée et sans fanon arrive à ne pas mourir de faim! La morphologie de la mâchoire de Maiabalena indique une bouche puissante, musculeuse, qui peut se positionner comme une paille afin d’aspirer ses proies, généralement molles comme des calmars. Cette technique «aspirateur» est aussi observée de nos jours chez quelques baleines à dents, dont le narval.

Et pourquoi Maiabalena n’avait-elle pas de dents? Selon les scientifiques, l’hypothèse pour expliquer l’apparition d’une baleine édentée est le climat. Maiabalena vivait dans un temps où l’environnement changeait très rapidement : l’Antarctique était en train de se détacher de l’Amérique du Sud, ce qui perturbait grandement les courants marins.

Ces changements rapides semblent avoir grandement influencé les baleines. En effet, les fossiles datant de cette époque sont tous un peu particuliers : alors certains ont des dents dentelées, d’autres en forme de cône alors que certaines n’ont plus de dent du tout ! Cette diversité suggère que les baleines testaient les meilleures stratégies pour s’alimenter et que ce sont finalement les dents et les fanons que l’on connait aujourd’hui qui l’ont emporté.

Actualité - 14/1/2019

Aurélie Lagueux-Beloin

Aurélie Lagueux-Beloin est rédactrice pour Baleines en direct depuis l’été 2018. Aimant autant faire de la science qu’en parler, elle complète sa maitrise en biologie à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’un certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Sur les ondes de CISM 89,3 FM, elle coanime l’émission de vulgarisation scientifique Le Lab. Aurélie est touche-à-tout et s’intéresse autant aux baleines qu’aux dinosaures en passant par les bancs de krill!

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