Tout comme nous, les cétacés (baleines, marsouins et dauphins) sont exposés à des causes de mortalité diverses. Lorsqu’une carcasse de cétacé se retrouve sur un rivage, la recherche de la cause de la mort s’apparente ainsi souvent à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin. Néanmoins, on connait actuellement plusieurs causes de mortalité — surtout grâce aux nécropsies — et elles peuvent être classées en deux catégories : naturelles et anthropiques.

Causes naturelles

Les cétacés peuvent mourir de vieillesse, tout simplement. Leur durée de vie varie entre quelques décennies dans le cas des marsouins communs et plus de 200 ans dans le cas des baleines boréales. En raison de la sélection naturelle, ils peuvent aussi être tués par certains prédateurs, comme les épaulards, les requins ou les ours polaires. C’est particulièrement courant dans le cas des espèces de plus petite taille et dans le cas des baleineaux des espèces de plus grande taille, qui constituent des proies faciles pour les mammifères marins prédateurs. Par ailleurs, les jeunes nouvellement sevrés et encore inexpérimentés peuvent facilement se perdre et s’échouer. De plus, des cétacés qui s’échouent seuls ou en groupe peuvent alors mourir naturellement par asphyxie. Les maladies, les parasites et même des difficultés de parturition (de mise bas) peuvent être fatals, comme chez les humains.

Cependant, tous ces évènements naturels peuvent parfois être exacerbés par des périls d’origine humaine.

Causes anthropiques

Des études prouvent que les effets anthropiques (c’est-à-dire causés par les êtres humains) constituent la principale cause de mortalité chez certaines espèces de cétacés. Les effets anthropiques peuvent être de deux types : directs et indirects.

Voici quelques-uns des effets anthropiques qui ont une incidence directe sur les cétacés un peu partout dans le monde :

  • Les prises accidentelles sont des prises d’animaux dans des engins de pêche qui ne sont pas destinés à leur espèce. Il s’agit d’un péril important pour toutes les espèces marines, y compris les cétacés. En fait, la Commission baleinière internationale (en anglais) estime à au moins 300 000 le nombre annuel de cétacés qui sont pris de cette façon. Les marsouins de la Californie, aussi appelés vaquitas, sont actuellement au bord de l’extinction à cause des prises accidentelles dans les filets maillants destinés aux totoabas dans le golfe de Californie. Dans les cas d’empêtrement, une sous-catégorie des prises accidentelles, des cétacés et d’autres organismes marins restent pris dans des engins de pêche abandonnés. Selon le type d’engin, cet empêtrement pourra empêcher l’animal de remonter à la surface pour respirer ou bien de plonger pour répondre à ses besoins biologiques. Dans un cas comme dans l’autre, cela finit par entrainer la mort.
  • Les collisions avec les navires sont l’une des principales causes de mortalité de baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition, tant dans les eaux canadiennes que dans les eaux étatsuniennes. Les traumatismes contondants et les blessures causées par des hélices sont des signes courants de collisions avec des navires chez les cétacés. La possibilité d’éviter une collision dépend de la vitesse du navire, ainsi que de l’aptitude des baleines à détecter et à éviter les navires.
  • La chasse aux cétacés existe encore aujourd’hui. Bien qu’un moratoire ait été imposé sur les activités baleinières à grande échelle, il existe aujourd’hui dans le monde, d’après la Commission baleinière internationale, trois types de chasse: la chasse autochtone de subsistance, la chasse commerciale et la chasse scientifique. La Commission établit pour les pays qui en sont membres des limites de prises pour chaque type. Étant donné que le Canada ne fait pas partie de la Commission, c’est Pêches et Océans Canada qui établit le quota de chasse de subsistance pour chaque espèce, la seule activité baleinière qui est autorisée au pays.
  • Les déversements d’hydrocarbures ont des effets dévastateurs sur la vie des organismes marins qui habitent dans la zone souillée ou à proximité. Aujourd’hui, 28 ans après le déversement de pétrole de l’Exxon Valdez dans le golfe du Prince William en Alaska, beaucoup d’espèces marines ne se sont pas encore rétablies. Au nombre des cétacés les plus touchés, mentionnons deux différents écotypes d’épaulards qu’on a vus nager près des nappes de pétrole après le déversement. Le résultat? La population d’épaulards migrateurs AT1 s’est réduite de 40 % au cours des 18 mois qui ont suivi le déversement de pétrole, et le groupe AB d’épaulards résidents a pour sa part vu ses effectifs se réduire de 33 %. Le plus récent déversement au large de Terre-Neuve pourrait avoir une incidence dévastatrice sur beaucoup d’espèces de cétacés.
  • Le bruit a une incidence sur tous les cétacés, car l’ouïe est leur sens principal. Nos océans sont de plus en plus bruyants, ce qui entraine pour leurs habitants des difficultés accrues en ce qui a trait à la détection des proies, à l’orientation et à la communication. Des études antérieures montrent également une forte corrélation entre les bruits pulsés, notamment ceux des sonars navals militaires et de l’exploration sismique, et les échouages massifs.
  • Le commerce de cétacés sauvages associé aux aquariums se poursuit depuis des décennies. En plus des risques associés à la capture et aux déplacements, des études prouvent que plusieurs cétacés en captivité souffrent physiquement et mentalement. Les raisons principales de la détérioration de leur santé comprennent : des conditions de vie inadéquates, un environnement artificiel, des interactions sociales limitées et des restrictions comportementales. De plus, lorsque des animaux fortement sociaux sont séparés de leurs groupes sociaux très unis, leur santé mentale est compromise. Ces raisons entrainent souvent une mortalité précoce.

Voici quelques-uns des effets anthropiques qui ont une incidence indirecte sur les cétacés un peu partout dans le monde:

  • Les contaminants chimiques, par exemple les biphényles polychlorés (BPC) et les éthers diphényliques polybromés (PBDE), polluent les milieux marins, et il est prouvé qu’ils se concentrent dans les couches de gras de nombreux cétacés. En raison de la bioaccumulation (un phénomène par lequel l’accumulation de toxines et d’autres substances s’accroit à chaque niveau trophique de la chaine alimentaire), les cétacés sont particulièrement exposés à cette menace.
  • L’inanition, qu’elle résulte d’une raréfaction des proies attribuable à la surpêche ou de l’ingestion de plastique, entraine lentement la mort de cétacés. En état d’inanition, leur organisme commence aussi à dépenser les réserves adipeuses, ce qui empire encore la situation, car c’est là que se logent les contaminants chimiques qui aiment les lipides.
  • Les changements climatiques ont également une incidence sur les cétacés. La réduction de l’étendue de la banquise et l’augmentation des températures entrainent une raréfaction des proies et des changements dans les habitudes migratoires. Mentionnons aussi que la réduction de la banquise rend possible le passage d’un nombre de plus en en plus élevé de navires dans des zones de l’Arctique où il était auparavant difficile de naviguer, ce qui expose davantage de cétacés au risque de se faire frapper par un navire. En outre, une hausse de la température a une incidence sur de nombreuses espèces endémiques qui ne peuvent trouver qu’à certaines températures certaines caractéristiques essentielles de leur habitat.
  • L’ingestion de plastique est l’une des principales menaces d’origine humaine auxquelles les animaux sont exposés aux quatre coins du monde. Récemment, un cachalot émacié s’est échoué mort sur un rivage de l’Indonésie avec, dans l’estomac, 155 tasses de plastique et deux sandales. L’accumulation de plastique peut s’accompagner de la sensation d’avoir continuellement l’estomac plein, ce qui empêche les animaux de manger des aliments nutritifs. Le plastique ingéré peut aussi perforer l’estomac ou l’intestin. Il s’ensuit au bout du compte une mort lente due à l’inanition.
Les baleines en questions - 5/12/2018

Jasspreet Sahib

Après avoir passé l’été avec des baleines sur la côte ouest du Canada, Jasspreet Sahib est heureuse de se joindre à l’équipe du GREMM cet automne comme stagiaire en rédaction par l’entremise du programme du Corps de conservation canadien. Elle a fait des études en biologie marine et en journalisme à l’Université Dalhousie et adore partager sa passion pour les mammifères marins et la communication scientifique avec les lecteurs de Baleines en direct.

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