Dans la dernière semaine, la présence de jeunes phoques du Groenland sur les plages aux Îles-de-la-Madeleine et en Gaspésie a fait le tour des médias et des réseaux sociaux. En voyant ces animaux mignons, appelés blanchons, certaines personnes se sont approchées jusqu’à les flatter ou à les déplacer. Malheureusement, ces manipulations peuvent avoir des impacts négatifs sur la survie des jeunes phoques.
À la suite de ces évènements, les équipes de Baleines en direct et du RQUMM ont cru bon d’expliquer pourquoi il est important de laisser ces blanchons tranquilles. Un indice : ce sont des animaux sauvages qui ont besoin d’espace pour réaliser les activités essentielles à leur survie!
1. Permettre aux phoques de se reposer
Imaginez si vous aviez à nager pendant des heures sans mettre le pied à terre, vous auriez surement envie par la suite de vous allonger sur le rivage pour reprendre des forces et dormir un peu. Et imaginez-vous la même situation, mais si vous étiez sur le point d’accoucher… Vite, il vous faudrait trouver un endroit tranquille et sécuritaire!
Bien que leurs ancêtres étaient des mammifères terrestres, les pinnipèdes d’aujourd’hui partagent désormais leur temps entre terre et mer. En se déplaçant sur les glaces ou le rivage, les phoques du Groenland cherchent des endroits où ils ne seront pas dérangés, pour réaliser des activités essentielles à leur survie : se reposer, mettre bas ou encore muer. Ils s’installent généralement dans des endroits calmes près de l’eau, pour s’échapper rapidement en cas de menaces.
La biologiste et spécialiste des phoques à l’Institut Maurice-Lamontagne Joanie Van de Walle explique dans une entrevue avec Radio-Canada que la diminution de la banquise au large force toutefois les phoques à se rapprocher de la côte depuis quelques années.
Une fois que les femelles ont mis bas, elles se déplacent entre l’eau, pour aller chasser, et la terre, pour se reposer et allaiter leurs blanchons. Les blanchons restent quant à eux sur le rivage une douzaine de jours, jusqu’à ce qu’ils soient autonomes et capables de nager et se nourrir par eux-mêmes.
Lorsque vous apercevez un phoque ou un blanchon hors de l’eau, c’est donc normal! D’ailleurs, saviez-vous que le nom latin du phoque du Groenland, Pagophilus groenlandicus, signifie « qui aime la glace du Groenland »?
2. Limiter le stress des blanchons
Jappements de chiens, bruits de moteur et circulation de véhicules tout terrain, cris d’enfants et attroupements répétés à proximité peuvent stresser les phoques. Et oui! Comme chez les humains, un dérangement constant et sur-stimulant peut entrainer du stress et tirer de l’énergie. C’est un peu comme si vous tentiez de vous endormir, mais que l’alarme d’incendie s’était déclenchée, que plusieurs personnes encerclaient votre lit en vous observant et qu’un bruit inconnu retentissait de manière imprévisible : en plus d’être dérangé par ces stimulations, vous auriez sans doute de la difficulté à vous endormir!
Si un blanchon est occupé à décortiquer d’où viennent les bruits et perturbations autour de lui, il en mettra moins à accomplir ses activités essentielles, comme se reposer. Étant plus fatigué et moins alerte, les risques de prédation et de vulnérabilité aux maladies augmentent, tandis que les chances de survie du blanchon diminuent.
Afin d’éviter un destin fatal à ces mignons blanchons, voici quelques trucs pour savoir si vous les dérangez :
- Le phoque se déplace alors qu’il était en train de se reposer.
- Le phoque émet des sons et des grognements.
- Le phoque lève la tête, vous observe et suit vos déplacements.
3. Permettre au blanchon d’être allaité par sa mère
Avec leurs grands yeux, leur pelage soyeux et leurs expressions attendrissantes, les blanchons nous donnent envie de les câliner. Mais halte! En touchant un bébé phoque ou en restant à ses côtés pendant trop longtemps, la mère, généralement pas très loin, pourrait décider de l’abandonner. Pourquoi?
En premier lieu, sachez que si un blanchon est seul sur le rivage, vous n’avez pas forcément besoin de vous inquiéter. Sa mère est habituellement partie se nourrir un peu plus loin, et reviendra s’occuper de son petit dès qu’elle sortira de l’eau. Le stress qu’occasionne notre présence près de son jeune garde toutefois la mère à distance : elle n’attend que notre départ pour le rejoindre et l’allaiter. Si ce délai s’éternise et se répète avec d’autres personnes, il est possible qu’elle ne revienne tout simplement pas.
Grâce au lait riche en gras que lui fournit sa mère, le blanchon peut engraisser de 2 à 2,5 kg par jour! Un abandon par la mère réduit donc significativement les chances de survie du jeune phoque.
L’allaitement ne durant qu’une douzaine de jours, il est primordial que la mère et son jeune ne soient pas séparés pendant cette période cruciale. On garde donc nos distances avec les petits blanchons!
4. Augmenter leurs chances de survie dans un contexte déjà difficile
Après avoir passé l’été dans l’Arctique canadien ou au Groenland, le phoque du Groenland migre vers le Sud. Loin de se diriger vers les tropiques pour se réchauffer sous le soleil, il se dirige plutôt dans le golfe du Saint-Laurent pour la période de reproduction qui a lieu dès fin février.
Pour donner naissance, les femelles cherchent la banquise. Mais que faire lorsque celle-ci est rare, voire absente? La diminution du couvert de glace réduit les sites disponibles pour la mise bas. Il ne faut pas oublier que la banquise joue un rôle crucial dans le cycle de vie du phoque du Groenland. Elle offre une plateforme sécurisée pour la naissance, l’allaitement et la mue des petits.
Les solutions de rechange sont peu nombreuses et toutes non idéales pour survivre : s’installer sur une glace plus mince et donc plus fragile, chercher un environnement favorable plus au Nord, quitte à risquer les ours polaires, ou encore se réfugier sur la berge. En entrevue pour National Geographic, Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à Pêches et Océans Canada, rapporte que les hivers dans le golfe du Saint-Laurent se réchauffent deux fois plus vite que les étés, à un rythme de plus de 2 °C tous les cent ans. La population totale de phoques du Groenland est estimée à 4,4 millions d’animaux par les scientifiques, le plus faible nombre depuis plus de 30 ans. Le déclin de la population est dû à de nombreux facteurs, dont l’absence de glace, les autres changements environnementaux, et dans une moindre mesure la chasse.
Le phoque du Groenland incarne les défis engendrés par les changements climatiques. Sa présence sur les berges est une solution de dernier recours pour survivre à son environnement en constante évolution. À l’échelle individuelle, nous avons souvent l’impression de ne pas savoir quoi faire pour aider les animaux en ces périodes difficiles. Il y en a cependant une très simple : les laisser tranquilles.
5. Réduire vos risques d’attraper une maladie ou de vous blesser
Malgré leur moue attendrissante, les phoques sont des animaux sauvages imprévisibles. Pour se défendre lorsqu’ils se sentent menacés, ils peuvent devenir agressifs et mordre. La présence humaine étant un stresseur important, les animaux de compagnie qui s’approchent risquent eux aussi de se faire blesser. En outre, les phoques sont porteurs de certaines maladies qui peuvent être transmissibles aux humains.
Une raison de plus pour garder ses distances!
Rappel
Si vous observez un phoque avec des blessures visibles, s’il est dans un lieu encombrant pour les activités humaines ou si vous voyez des gens le déranger ou le manipuler, contactez immédiatement le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins au 1-877-722-5346.
Restez à une distance minimale de 50 mètres du phoque. Des spécialistes établiront le meilleur plan d’action.