Il ne resterait plus que douze marsouins vaquitas (Phocoena sinus), a avancé Andrea Crosta, directeur du groupe de conservation Elephant Action League, qui œuvre pour le rétablissement de cette espèce unique au Mexique. En mai 2017, le Fonds mondial pour la nature (WWF) en recensait 30. Puis, en octobre 2017, lors de la 22e Conférence biennale sur la biologie des mammifères marins qui se tenait à Halifax, des spécialistes des marsouins vaquitas déploraient qu’il n’en restait plus que 19.

Les plus petits marsouins sont victimes des filets maillants utilisés pour la pêche illégale du totoaba, une espèce de poisson réputée pour sa vessie et achetée sur le marché noir par des Chinois, et par les filets utilisés pour la pêche aux crevettes. Malgré les mesures mises en place pour décourager les pêcheurs d’attraper des totoabas — une espèce elle aussi en voie de disparition — le prix sur le marché noir est trop alléchant (on parle de 10 000 $ à 20 000 $ US pour une seule vessie de poisson, ce qui lui donne le surnom de «cocaïne aquatique»).

Retirer les filets

Le programme de retrait des filets a permis de récupérer 396 filets illégaux en 2017, pour un total de 518 filets depuis 2016. En parallèle, l’organisation militante Sea Sheperd a aussi ciblé le retrait des filets dits «actifs», c’est-à-dire utilisés présentement et patrouille depuis deux ans le nord du golfe de Californie, au Mexique. Depuis le 28 février 2018, des officiers du gouvernement mexicain sont à bord des deux navires de Sea Sheperd, afin de pouvoir arrêter les pêcheurs illégaux.

La lecture du rapport de la 10e rencontre du Comité international de rétablissement du vaquita (Comité Internacional para la Recuperación de la Vaquita – CIRVA) n’a rien de réjouissant. «La situation déjà désespérée des vaquitas s’est empirée, malgré les mesures de conservation existantes et les efforts d’application actuels», est-il écrit. La saison de pêche s’étale de décembre jusqu’à mai, et les experts craignent le pire pour les prochains mois.

La survie des vaquitas dépendra de la situation économique des pêcheurs, des pressions auprès du gouvernement chinois pour mieux contrôler l’importation illégale du totoaba et du contrôle sur les cartels liés au trafic de drogues entremêlés au trafic de poissons.

Rendre la pêche légale, une option?

Au Canada, un des arguments avancés par le gouvernement fédéral pour légaliser la marijuana est celui de la lutte au crime organisé. C’est aussi ce que veut faire le gouvernement mexicain en légalisant la pêche au totoaba, et ainsi faire tomber le marché noir. Des discussions entre le Mexique et la Chine ont également cours. Comme autre initiative, l’élevage de totoaba a commencé, afin de faire baisser la pression sur les totoabas sauvages. 300 000 poissons seraient d’ailleurs élevés en ce moment en Basse-Californie (Baja de California), permettant de proposer également une nouvelle ressource économique pour les pêcheurs.

Mise en captivité non viable

Devant la situation de plus en plus alarmante des vaquitas, le CIRVA a voulu mettre en captivité temporaire quelques vaquitas, le temps qu’une solution de remplacement soit trouvée aux filets maillants et fournir un lieu sécuritaire pour la reproduction des individus de l’espèce. Du 11 octobre au 10 novembre 2017, l’opération Vaquita Conservation Protection and Recovery s’est mise en branle. Deux femelles ont été capturées, puis transportées en bassin. Toutefois, leur état de santé s’est vite dégradé, au point où la femelle adulte en est décédée. La vaquita femelle plus jeune a été remise à l’eau, mais elle n’a pas été revue depuis. Malgré la fin tragique de l’opération, la présence accrue d’équipes de recherche sur les vaquitas a fait diminuer temporairement la présence de pêcheurs illégaux.

Actualité - 15/3/2018

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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