Les bateaux présents à 400 mètres ou moins du rorqual bleu perturbent le repas de ce dernier, révèlent des chercheurs de Pêches et Océans Canada et de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski dans une étude publiée récemment.

Le rorqual bleu, le plus gros animal de tous les temps, est un résidant saisonnier estival du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent. La présence récurrente de cet animal rare et impressionnant a stimulé le développement d’une importante industrie d’observation des baleines dans l’estuaire au cours des dernières décennies. La proximité des bateaux suscite des changements comportementaux immédiats (par exemple, une modification de la trajectoire ou une interruption de l’activité en cours, dont la respiration, l’alimentation ou le soin des jeunes) chez une variété d’espèces de mammifères marins. De tels changements de comportement peuvent entrainer des dépenses énergétiques accrues ou des gains énergétiques réduits chez l’animal. Lorsque répété ou persistant, ce dérangement peut ultimement nuire à la survie ou au rétablissement d’une population.

Dans l’estuaire du Saint-Laurent, le rorqual bleu passe la majorité de son temps à s’alimenter, afin d’accumuler des graisses avant sa longue migration automnale vers ses aires de reproduction. Ce sont ces graisses accumulées qui permettront au rorqual de se reproduire et d’allaiter son petit durant l’hiver. La proximité des bateaux d’observation dans l’estuaire du Saint-Laurent nuit-elle au bon déroulement de son repas? Des chercheurs de Pêches et Océans Canada et de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski ont tenté de répondre à cette question en observant le comportement du rorqual bleu en l’absence et en la présence de bateaux. Ayant passés plus d’une centaine d’heures en mer, entre Cap Colombier et Les Bergeronnes, les chercheurs ont suivi 33 rorquals bleus individuellement, notant le comportement de la baleine et tout bateau présent à moins de 2000 m de la baleine.

Les résultats de cette étude, publiés récemment dans la revue scientifique Endangered Species Research, révèlent que lorsqu’un bateau est à proximité d’un rorqual bleu (particulièrement à moins de 400 m de distance, mais les effets sont perceptibles jusqu’à 1000 m de distance), ce dernier passe moins de temps en surface, prend un moins grand nombre de respirations et fait de moins longues plongées en profondeur.

Un mammifère marin doit revenir à la surface de l’eau régulièrement pour respirer. Habituellement, plus il passe de temps à la surface pour reconstituer ses réserves d’oxygène, plus il peut ensuite passer du temps en profondeur pour s’alimenter. Selon les résultats de cette étude, cela semble également être le cas pour le rorqual bleu. S’il passe moins de temps en surface dû à la proximité d’un bateau, il a conséquemment moins d’oxygène en réserve et doit écourter ses plongées. Selon les chercheurs, si un bateau est présent à moins de 400 m du rorqual bleu, ceci se solde par une diminution de plus de 36 % du temps que ce dernier passe à s’alimenter en profondeur.

Les conclusions de cette étude sont tirées de la moyenne des comportements observés de la part des bateliers, c’est-à-dire qu’il n’a pas été possible d’étudier le degré de réaction généré en fonction de la vitesse et de l’angle d’approche, du type de bateau et du degré d’encerclement des animaux. Néanmoins, « cette étude dévoile que le rorqual bleu est particulièrement sensible à la présence des bateaux autour de lui », mentionne Véronique Lesage, chercheuse scientifique à l’Institut Maurice-Lamontagne — Pêches et Océans Canada et auteure principale de l’étude.

Cette étude démontre également la pertinence d’une distance minimale d’approche pour limiter les effets des activités d’observation sur l’alimentation du rorqual bleu. Dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, selon le Règlement sur les activités en mer dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, les bateaux doivent garder une distance d’au moins 400 m d’un mammifère marin en voie de disparition, dont le rorqual bleu et le béluga. Mais ailleurs dans l’estuaire, où se trouve la majorité des rassemblements de rorquals bleus, le Règlement sur les mammifères marins, établi en vertu de la Loi sur les pêches, interdit la perturbation des baleines sans toutefois préciser une distance minimale d’approche. Les chercheurs suggèrent donc d’étendre la distance minimale d’approche de 400 m à l’extérieur des limites du parc marin.

Actualité - 22/5/2017

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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