Quand le vent du nord se tait, la surface du Saint-Laurent finit par s’immobiliser comme un miroir, figé par le froid polaire et illuminé par le soleil. Entre deux blocs de glace à la dérive, une petite tête noire au museau pointu et aux fines moustaches surgit soudain. Dimanche dernier, posté au cap Bon-Désir, aux Bergeronnes, un collaborateur du GREMM aperçoit ainsi des phoques solitaires, éparpillés, contrastant avec le bleu profond et le blanc immaculé du paysage.

Quelques jours plus tôt, le photographe Renaud Pintiaux volait lui aussi le meilleur profil de quelques pinnipèdes aventurés dans l’estuaire. « Une matinée si calme. Si belle », écrit-il. Au total, il compte deux phoques communs et 3 ou 4 phoques du Groenland aux Bergeronnes puis deux phoques communs aux Escoumins. On lui rapporte aussi le passage dans le secteur d’une grosse mouvée de phoques, très au large.

Lundi, un pilote posté aux Escoumins note la présence d’une poignée de gros phoques, à un quart de mile du rivage, mais ne se prononce pas sur l’espèce. Quant aux cétacés, il ne faut pas se faire d’illusion : « En ce moment, il y a des champs de glace sur le Saint-Laurent, même s’il y avait des baleines, ce serait très difficile de les repérer », précise le pilote.

Vidéo d’archive de phoques communs sur les glaces du Saint-Laurent © Renaud Pintiaux

Ici et ailleurs

Devant Franquelin, la glace est encore très présente. « Pour le moment, aucune baleine ne pourrait rentrer dans la baie ou dans les anses, mais il y a un peu de phoques, en petits groupes », souligne un observateur. Plus en aval, dans la baie Sainte-Marguerite, qui s’étend de Port Cartier à Sept-Îles, la glace sert de zone de repos aux phoques du Groenland. On nous en signale ainsi un groupe d’une cinquantaine d’individus au large de Gallix.

La glace est indispensable aux phoques du Groenland, qui en ont besoin pour mettre-bas et garder leurs petits à l’abri le temps de l’allaitement. Au cours des dernières années, l’absence de couvert de glace avait eu un impact sur le comportement de l’espèce, cette année, la présence d’une belle surface blanche lui offre un certain répit !

Dans la baie de Gaspé, ce sont plutôt les phoques communs qui squattent la glace. Une riveraine a pu observer 68 représentants de l’espèce prenant le soleil au milieu de la baie, jeudi après-midi. « Et possiblement un phoque du Groenland aussi, mais vu la distance, je garde une réserve », confie cette observatrice, pourtant expérimentée.

Et les phoques gris ? Actuellement en pleine saison de reproduction, ces gros pinnipèdes seraient réunis sur leurs aires de reproduction, soit, pour la majorité, sur l’île de Sable et dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

Après une journée d’observation à pointe Saint-Pierre, entre Gaspé et Percé, une observatrice gaspésienne revenue bredouille s’exclame avec enthousiasme : « Froid polaire, glace, pas de vent, mais c’était magnifique ! »

Le Saint-Laurent, en partie gelé, à pointe Saint-Pierre, entre Gaspé et Percé © Diane Ostiguy
Malgré de longues observations, nombreux sont les amateurs de mammifères marins qui reviennent bredouilles © Diane Ostiguy
Le Saint-Laurent, en partie gelé, à pointe Saint-Pierre, entre Gaspé et Percé © Diane Ostiguy

Et pendant que les observateurs québécois attendent avec impatience le printemps et les premiers souffles de baleine, que font ces dernières ? Elles vivent pleinement leur saison de reproduction dans les eaux chaudes ! Actuellement au Mexique, notre observateur René Roy a eu la chance de filmer un échange musclé entre deux mâles rorquals à bosse se disputant les faveurs d’une femelle. Un spectacle qu’on n’a pas la chance de voir dans le Saint-Laurent, où les baleines s’occupent davantage de leur estomac que de leurs hormones ! Alors on avait envie de vous en faire profiter :

Vous avez vu un phoque ou une baleine?

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Observations de la semaine - 17/2/2022

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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