Des chercheurs sonnent l’alarme afin d’empêcher la disparition imminente du rorqual du golfe du Mexique. « Ce mammifère risque d’être la première baleine à fanons à disparaitre depuis l’extinction de la baleine grise de l’Atlantique (Eschrichtius robustus) il y a trois-cents ans », mentionnent-ils dans une correspondance publiée le 7 février dernier dans la revue scientifique Nature. « Des actions rapides sont nécessaires pour éliminer les causes anthropiques de mortalité et de blessures », soulignent-ils.

Peu de gens ont entendu parler du rorqual du golfe du Mexique, une sous-espèce du rorqual de Bryde. Depuis 2017, celui-ci est classé comme une sous-espèce « en danger critique d’extinction » sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Cependant, ce nouveau statut n’a attiré que très peu l’attention du public, des gestionnaires et des responsables politiques.

Le rorqual du golfe du Mexique vit à longueur d’année dans la partie nord-est du golfe du Mexique, principalement dans les environs du canyon De Soto, juste au sud de la Floride. « Il se serait réfugié dans la partie du golfe la plus silencieuse, où les activités pétrolières et gazières sont interdites par un moratoire datant de 2006 », explique Francine Kershaw, chercheure au Natural Resources Defense Council (NRDC). « Un moratoire qui risque cependant d’être levé en 2022 », précise-t-elle en entrevue avec Baleines en direct.

Peter Corkeron, chercheur à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et un des auteurs de la correspondance publiée dans Nature, a précisé en entrevue avec Baleines en direct que « La principale menace à la survie de cette baleine n’est pas un élément en particulier, mais l’ensemble des activités humaines dans la région, qui entrainent des risques de collision et d’empêtrement, de la pollution sonore et de la pollution par les hydrocarbures».

« La principale menace à la survie de cette baleine n’est pas un élément en particulier, mais l’ensemble des activités humaines dans la région, qui entrainent des risques de collision et d’empêtrement, de la pollution sonore et de la pollution par les hydrocarbures»

Selon Kershaw, le développement de l’industrie pétrolière et gazière (annoncé dans le nouveau programme quinquennal d’octroi de permis pétroliers et gaziers en mer, proposé en janvier dernier et incluant douze permis dans le golfe du Mexique dont deux dans l’est du golfe), ainsi que deux récents projets de loi (le SECURE American Energy Act et le SEA Act) qui affaibliraient la loi étatsunienne sur la protection des mammifères marins (Marine Mammal Protection Act) font partie des menaces les plus importantes à la survie de ce rorqual et des autres baleines dans les eaux étatsuniennes. La levée potentielle du moratoire sur l’exploration et l’exploitation pétrolière dans la partie est du golfe s’ajoute aux menaces déjà existantes.

Il n’est pas trop tard pour sauver cette baleine, estime Peter Corkeron, mais les chiffres démontrent l’urgence d’agir. En 2009, on estime que cette sous-espèce ne comptait plus que 33 individus. L’année suivante, la marée noire du Deepwater Horizon aurait touché 48 % de la population et causé des échecs de reproduction chez 22 % des femelles. Combien d’individus restent-ils aujourd’hui ? Les chercheurs l’ignorent pour l’instant, mais un nouvel estimé devrait être publié au cours de la prochaine année.

Que peut-on faire pour empêcher la disparition du rorqual du golfe du Mexique ? « Il faut protéger le Marine Mammal Protection Act, maintenir le moratoire et faire la transition vers des énergies plus propres et moins risquées », résume Francine Kershaw. Un discours qui ressemble à celui tenu actuellement au Québec par les organismes environnementaux et les regroupements citoyens, en réaction à la récente Loi sur les hydrocarbures et ses projets de règlements, pour protéger les espèces en péril dans le Saint-Laurent et ses environs.

Actualité - 1/3/2018

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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