Bon nombre des rorquals à bosse qu’on observe en été dans le Saint-Laurent passent une partie de l’hiver au sud, dans les aires de reproduction des iles Turques-et-Caïques, du banc d’Argent ainsi que de la baie de Samana en République dominicaine. Plusieurs biologistes, naturalistes et scientifiques y convergent pour les étudier. En février dernier, Cathy McClain Bacon y était et me faisait parvenir deux photos, une de H531 La Souffleuse et une autre d’un animal qui serait son veau de l’année, lesquels avaient été observés 4 jours de suite dans les iles Turques-et-Caïques. J’espérais bien les revoir dans le Saint-Laurent cette saison!
La semaine dernière, profitant d’une superbe journée calme et ensoleillée, j’ai fait une sortie au large de la péninsule gaspésienne pour faire de la photo-identification pour le compte de la Station de recherche des iles Mingan (MICS). Entre 10 et 12 milles au large de Rivière-au-Renard, j’ai rencontré un groupe d’une quinzaine de rorquals communs et d’une douzaine de rorquals à bosse. Parmi les rorquals à bosse que j’ai documentés, il y avait Gronier et Maki, des réguliers de Mingan qui n’ont jamais été vus dans l’estuaire, ainsi que Calanus. Il y avait aussi deux paires mère-veau qui ne sont pas encore connues. D’ailleurs, la majorité des rorquals à bosse rencontrés cette journée-là semblent jeunes et absents des catalogues de photo-identification.
En revenant chez moi et en repassant mes photos pour identifier ces baleines, j’ai reconnu un animal dont Cathy McClain Bacon m’a fait parvenir la photo au mois d’avril dernier. C’était cette baleine qui était avec La Souffleuse lorsqu’elle a été observée dans les Caraïbes cet hiver. On croyait alors que c’était le baleineau de La Souffleuse. Ce même rorqual à bosse n’était aucunement accompagné le 21 juillet au large de la Gaspésie, lorsqu’il a été observé dans un groupe en alimentation.
Le jour précédent, le plongeur professionnel Patrick Bourgeois est au large de Franquelin sur la Côte-Nord lorsqu’il aperçoit un groupe d’une dizaine de rorquals à bosse. En gardant bien ses distances, il filme ce groupe de baleines bien calmes. En visionnant son vidéo sur YouTube, je reconnais Tracks et… La Souffleuse. Donc, elle est présente le 20 juillet au large de Franquelin tandis que l’animal qui l’accompagnait en février aux iles Turques-et-Caïques est présent, seul, le jour suivant, à une distance de plus de 250 km.
Quelles belles observations et quelle chance, mais quoi en penser? Il est possible que le petit rorqual à bosse ait été perçu à tort comme le baleineau de La Souffleuse. À moins que son sevrage ait été vraiment rapide, ce qui est moins probable puisqu’il a généralement lieu à l’automne. Comme je l’écrivais dans mon dernier carnet de terrain, les paires de rorquals à bosse composées d’un adulte et d’un animal plus petit peuvent nous confondre. C’est vraiment en observant les interactions entre deux animaux de taille différente ainsi que leurs comportements sur une assez longue période qu’on peut affirmer qu’ils forment une paire mère-veau.
Merci à Cathy McClain Bacon et Patrick Bourgeois pour cette belle collaboration, qui a permis de suivre les baleines, des Caraïbes au Saint-Laurent.
Mes photos sont prises sous le permis numéro QUE-LEP-004-2021.