Le 19 février dernier, un chef officier d’un cargo de passage dans l’estuaire du Saint-Laurent a photographié des rorquals bleus au large de Matane. Intéressante observation en plein cœur de l’hiver, puisque peu d’observateurs peuvent être sur l’eau en cette période et qu’encore moins sont capables de photographier les baleines qui s’y trouvent. On sait cependant qu’un certain nombre de baleines restent dans le Saint-Laurent l’hiver ou le visitent. Si vous lisez les Observations de la semaine, en tout cas, vous le savez!
Les photos ont été prises de très loin, mais l’une d’entre elles était suffisamment bonne pour fin d’identification. M. Roy Brugman a alors transmis ses photos au groupe Facebook «Whale watchers in the North Atlantic» et j’ai été alerté de ces photos par une de mes amies. J’ai alors communiqué avec M. Brugman pour obtenir des photos hautes-résolutions afin de tenter d’apparier ce rorqual bleu. Après un coup d’œil trop rapide dans ma banque de photos et n’ayant pas reconnu l’individu, j’ai fait parvenir ces photos au spécialiste des rorquals bleus et fondateur de la Station de recherche des iles Mingan, Richard Sears. Il n’a pas mis de temps à l’identifier! «C’est notre chère B392», me répondit-il. En effet, cette femelle nommée Iris est une régulière de l’estuaire du Saint-Laurent.
Je l’y ai rencontrée quatre fois depuis 2012, mais la rencontre la plus marquante est celle du 26 aout 2019, au large de Matane. Elle était alors escortée d’un présumé mâle, compte tenu de sa position en retrait par rapport à elle. Ce dernier était un individu qui n’avait jamais été photographié jusqu’à ce jour. Ils sont restés ensemble durant toute ma séance de photos avant que je ne passe à d’autres individus. J’avais photographié une vingtaine de rorquals bleus différents en cette belle journée, dans ce petit secteur entre Matane et Grosses Roches.
Le 18 septembre suivant, soit 3 semaines après ces observations, une carcasse de rorqual bleu était aperçue et photographiée dans le golfe, sur la côte de la Nouvelle-Écosse. Lorsque j’ai vu la photo de cette carcasse, j’ai reconnu immédiatement cet individu par une marque bien spécifique. C’était celui qui avait escorté B392 Iris quelques semaines plus tôt et qui avait alors un comportement tout à fait normal avec cette femelle. Ce fut donc les seules photos de lui vivant. À ma grande surprise et déception, pour des questions de logistique, il n’y a eu aucune nécropsie de fait sur cette carcasse. Nous ne saurons donc jamais de quoi est mort ce rorqual bleu (espèce en péril) qui pouvait être, selon toute vraisemblance, un jeune mâle en excellente santé. Bref, la femelle Iris semble pour sa part en bonne forme et aucunement incommodée par le froid et les glaces de notre attrayant Saint-Laurent.
Vivement le début d’une nouvelle saison!