Pour la toute première fois, les données sur les incidents impliquant des baleines dans l’Est du Canada ont été rassemblées dans un même rapport. Produit par la Marine Animal Response Society (MARS), le document met en commun les données récoltées entre 2004 et 2019 au Québec, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard.

Bien que ces informations ne soient pas nouvelles et qu’elles soient bien connues des chercheurs et chercheuses, ce travail de synthèse trace un portrait global des enjeux importants des 15 dernières années dans le domaine de la conservation des cétacés. «C’est la première fois qu’on a un bilan détaillé, qui n’est pas exhaustif, mais qui est probablement très près de la réalité», souligne Robert Michaud, coordonnateur du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM).

Une impressionnante diversité d’espèces

La Marine Animal Response Society, le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins et le Whale Release and Strandings ont recensé plus de 3000 cas de carcasses et de baleines en difficulté ou blessées entre 2004 et 2019. Au total, la base de données comprend 25 espèces de cétacés.

Les rorquals à bosse, les petits rorquals et les marsouins communs, qui forment des populations abondantes, font partie des baleines signalées le plus fréquemment. Par ailleurs, le rapport souligne une augmentation dans les dernières années du nombre de cas d’espèces inusitées, comme les baleines à bec, sans toutefois émettre d’hypothèses sur les raisons derrière ce changement.

Les signalements reçus par les trois lignes téléphoniques d’urgences témoignent de la biodiversité des écosystèmes du Saint-Laurent, de la baie de Fundy et de l’Atlantique Nord.

Les menaces humaines à l’avant-plan

Les auteurs du rapport soulignent que, à l’exception des bélugas qui font l’objet d’un programme spécial depuis 35 ans, seule une petite proportion des carcasses a subi une nécropsie complète visant à déterminer la cause de décès. Même lorsqu’une équipe se rend sur les lieux, les causes de mortalité sont souvent difficiles à comprendre. Ainsi, la cause de décès a été déterminée pour seulement 7% des carcasses signalées. Pour ces baleines, les accidents, comme les empêtrements ou les collisions, représenteraient plus de la moitié des mortalités. Le rapport indique également qu’un examen sommaire de 1500 baleines, ce qui correspond à la moitié des cas de la base de données, a permis de détecter des traces d’interactions avec des humains dans 45% des cas.

Il faut toutefois faire preuve de prudence dans l’interprétation de cette statistique, précisent les auteurs. D’une part, la rapide décomposition de certaines carcasses élimine plusieurs indices recherchés par les spécialistes pour détecter ces traces d’impact humain. D’autre part, même si une carcasse porte des marques d’empêtrements, ces dernières n’ont pas nécessairement contribué à son décès. Les auteurs rappellent que des études auprès de baleines vivantes ont déjà montré qu’une importante proportion de celles-ci présente des cicatrices d’empêtrements, desquels elles se sont rétablies. Par exemple, près d’un rorqual commun sur deux du golfe du Saint-Laurent aurait déjà subi un empêtrement.

L’importance de la collecte de données

Parmi les carcasses nécropsiées, les baleines noires de l’Atlantique Nord sont surreprésentées. En effet, les efforts de documentation sont particulièrement soutenus pour cette espèce en voie de disparition, qui est vulnérable aux empêtrements et aux collisions. Pour les espèces considérées «non en péril», les nécropsies sont plus rares. Ainsi, les auteurs du rapport s’inquiètent de cette perte de données, qui pourrait dissimuler des informations de grande valeur pour la prévention et la conservation. Par exemple, ils estiment que les impacts des activités humaines sont potentiellement sous-estimés chez plusieurs espèces de cétacés.

Pour pallier ces lacunes, les membres de la Marine Animal Response Society souhaitent de plus grands investissements dans les organismes de réponse aux mammifères marins en difficulté, afin d’accroitre leur capacité de documentation. Au Québec, la proportion de carcasses échantillonnées devrait augmenter dans les prochaines années, grâce à l’ajout récent des équipes mobiles au RQUMM, financées par Pêches et Océans Canada.

Pour signaler une baleine morte ou en difficulté, contactez le réseau d’urgences de votre région :

Actualité - 15/7/2021

Jeanne Picher-Labrie

Jeanne Picher-Labrie a rejoint l’équipe du GREMM en 2019 comme rédactrice à Baleines en direct et naturaliste au Centre d’interprétation des mammifères marins. Baccalauréat en biologie et formation en journalisme scientifique en poche, elle est de retour en 2021 pour raconter de nouvelles histoires de baleines. En se plongeant dans les études scientifiques, elle tente d’en apprendre toujours plus sur la mystérieuse vie des cétacés.

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