Quand un jeune phoque gris se retrouve à près d’un kilomètre à l’intérieur des terres aux Îles-de-la-Madeleine, que faire? C’est la question à laquelle le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins a été confronté. Un phoque gris âgé d’environ 17 à 25 jours a dû être déplacé deux fois, avant qu’il ne reparte en mer. Retour sur les évènements et les enjeux que soulève la relocalisation d’un phoque.

Un phoque en exploration

Le 22 janvier, une résidente s’étonne de trouver un jeune phoque gris en mue derrière sa maison, dans une zone résidentielle du secteur du Gros-Cap, aux Îles-de-la-Madeleine. Lorsque les agents des pêches sont avisés de la situation, ils capturent le phoque et l’amènent dans le secteur calme et peu achalandé du phare du Borgot. Seules les personnes formées et possédant un permis ont le droit de déplacer un phoque.

Le lendemain matin, un résident découvre aussi un jeune phoque dans le bas-côté d’une des routes principales de l’ile, à environ un kilomètre de la rive! Pour bien évaluer la situation, une bénévole est envoyée sur place. Ses photos permettent de confirmer qu’il s’agit bien du même petit phoque.

Doit-on le déplacer à nouveau? L’équipe du Réseau consulte le vétérinaire spécialiste en santé de la faune sauvage, Stéphane Lair. Pour considérer le déplacement d’un animal sauvage, une intervention intrusive et stressante pour le phoque, il faut évaluer différents aspects. Un des premiers est le niveau de risque de la situation dans laquelle l’animal se trouve. Dans ce cas-ci, un jeune phoque près de routes très fréquentées représente un haut risque pour l’animal, mais aussi pour les humains qui pourraient causer un accident en voulant tenter d’éviter le phoque sur la route, par exemple. Un animal qui est relocalisé ne partira pas toujours dans la direction souhaitée, comme ce fut le cas lors de la première tentative pour ce phoque gris. Cela vaut-il alors la peine de le manipuler une deuxième fois? «Si l’animal est en assez bonne condition pour être déplacé, et qu’il se trouve en danger là où il se trouve, il faut ensuite analyser les lieux propices où l’amener. Par exemple, est-ce que la météo maritime est bonne, est-ce que d’autres animaux de son espèce se trouvent à proximité, est-ce que le phoque sera tranquille à l’endroit où il sera amené, etc.», souligne Anthony François, responsable des équipes mobiles du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

Les agents des pêches ont donc déplacés à nouveau le phoque, cette fois sur une plage peu achalandée. Il a vite regagné le large en nageant vigoureusement. Depuis, le phoque gris n’a pas été revu.

Les situations de phoques situés loin de la rive ou dans des lieux dangereux touchent souvent des individus juvéniles. Est-ce un manque d’expérience qui les mène à de drôles d’endroits? C’est possible. Il est normal pour un phoque d’être hors de l’eau, mais il peut être en danger selon le lieu où il se trouve ou s’il semble blessé. En cas de doute, vous pouvez contacter la ligne d’urgence du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins au 1 877 722-5346.

Le défi de naitre sur les glaces

Dans le golfe du Saint-Laurent, la proportion de petits nés sur la banquise a décliné, passant de 100 % en 2004 à 1 % en 2016, en raison de la réduction de la couverture de glace en hiver. Les phoques mettent maintenant plutôt bas sur des iles, dont l’ile Brion ou l’ile du Corps-Mort, situées près des Îles-de-la-Madeleine. Il est donc possible que ce jeune phoque de moins d’un mètre de long soit né dans le secteur. Les naissances se déroulent de la mi-décembre jusqu’au début de février.

Chez les phoques gris, l’allaitement dure de 16 à 17 jours, il est donc fort possible que ce jeune venait d’être sevré ou ne l’avait pas été encore. Le patron de sa mue indiquerait qu’il n’avait pas été sevré, selon Jean-François Gosselin. En effet, chez les « guenillous», nom donné aux phoques gris lors de leur première mue, la mue commence par les pattes et la queue. Or, ce phoque-ci avait encore son lanugo, c’est-à-dire son premier pelage blanc, au niveau des pattes et de la queue, tandis que le reste de son corps avait entamé la mue.

La première année de vie chez les phoques n’est pas de tout répit. Selon les résultats d’une évaluation du stock canadien de phoques gris de l’Atlantique Nord-Ouest, deux phoques gris sur trois ne survivrait pas.

Urgences Mammifères Marins - 5/2/2021

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

Articles recommandés

Les équipes satellites : Renforcer la réponse du RQUMM sur l’immense territoire québécois

Le téléphone d’Urgences mammifères marins (UMM) étant généralement moins occupé en hiver que durant la haute saison, c’est l’occasion idéale…

|Urgences Mammifères Marins 28/3/2024

Un rorqual à bosse observé cet été s’échoue en Gaspésie

Le mercredi 25 octobre, une carcasse de rorqual à bosse s’est échouée à Saint-Maxime-du-Mont-Louis, en Gaspésie. Il s’agissait d’un mâle…

|Urgences Mammifères Marins 30/11/2023

Un cachalot échoué sur la Côte-Nord

Le 6 novembre dernier, volant au-dessus du golfe, à quinze kilomètres de la Baie-Johan-Beetz, un pilote d’hélicoptère remarque une masse…

|Urgences Mammifères Marins 23/11/2023