L’histoire a déjà fait couler beaucoup d’encre: une baleine, de l’espèce petit rorqual, a été trouvée morte sur les rives du Saint-Laurent, dans la portion fluviale, à Saint-Nicolas, à quelques kilomètres des ponts de Québec.

Le dimanche 1er mai, un résident de la rue des Fauvettes marche sur la rive et constate, sur le chemin du retour, qu’une baleine est échouée à quelques mètres de son chalet. La surprise est à son comble puisque deux heures plus tôt, elle n’y était pas et plus encore, un animal de cette taille avec cette allure n’avait jamais été vu là auparavant. Le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins est contacté, presque au même moment que les médias. Comme c’est le cas pour chaque carcasse signalée au 1-877-7baleine, des bénévoles formés par le Réseau se déplacent sur le site en avant-midi afin de confirmer l’hypothèse émise par l’équipe; avec leurs photos, plus de doute, il s’agit d’une carcasse fraîche de petit rorqual mâle. Selon la mesure prise par les bénévoles, c’est un jeune individu puisqu’il mesure 4,1 m et les adultes ont une longueur de 6 à 9 mètres.

Après l’étonnement, les questions.

© GREMM
La carcasse de petit rorqual est dans un très bon état et ne porte aucune marque apparente de blessure © GREMM

Les baleines fréquentent le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent et ne remontent habituellement pas en amont de la région de Charlevoix. Pourquoi cette baleine est-elle venue dans les eaux du fleuve et de quoi est-elle morte? Ces questions demeurent sans réponse, mais des hypothèses sont émises par les scientifiques. Est-ce un jeune animal qui aurait été séparé de sa mère? Était-il désorienté? Est-ce que cette baleine était malade? Se serait-elle échouée vivante après une erreur de navigation? Impossible de répondre à ces questions hors de tout doute. Chose certaine, le corps de l’animal ne portait aucune blessure apparente ni trace de collision évidente ou d’empêtrement et l’épaisseur de gras permet de dire qu’elle était relativement en bon état de chair.

Intérêt pour la science

Le petit rorqual n’est pas une espèce en péril et ne fait pas partie d’un programme de récupération systématique des carcasses, mais il est tout de même une espèce cible pour un programme de recherche multi-espèces piloté par le ministère Pêches et Océans Canada. Lorsque possible, les carcasses de rorquals qui s’échouent sur les berges du Saint-Laurent font l’objet d’un échantillonnage. Si la carcasse est accessible et que la sécurité des intervenants est assurée, un morceau de peau, de gras et de muscle ainsi que des fanons sont récupérés à des fins d’analyses. La carcasse a donc été attachée pour éviter qu’elle reparte avec les prochaines marées hautes et le vétérinaire Stéphane Lair de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, accompagné d’une équipe de l’Aquarium du Québec, s’est déplacé mardi matin pour prélever ces échantillons.

Cette situation inhabituelle a aussi motivé les scientifiques à pousser leur investigation un peu plus loin et à envisager une nécropsie complète de l’animal. Le but: obtenir des échantillons d’organes et procéder à des analyses complémentaires de certains tissus qui pourraient permettre de documenter davantage ce spécimen et peut-être mieux comprendre l’incident.

© GREMM
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Toutefois, plusieurs considérations doivent être prises en compte lorsqu’une carcasse est ouverte, entre autres, s’il est facile ensuite d’en disposer. Lorsqu’un mammifère marin s’échoue sur les berges du Saint-Laurent, la municipalité où est trouvée la carcasse, en collaboration avec le ministère du Développement durable de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), développent un plan d’intervention afin d’enlever l’animal qui peut représenter une nuisance pour les riverains en ce qui a trait aux odeurs particulièrement. Les animaux de grande taille peuvent représenter des défis considérables! Dans le cas du petit rorqual de Saint-Nicolas, le fait qu’il se trouve en bas d’une falaise escarpée ne permet pas qu’il soit récupéré par voie terrestre. Il doit donc être transporté par la voie maritime. Le MDDELCC a donc demandé la collaboration de la Garde côtière canadienne pour le remorquage de la carcasse qui sera tirée jusqu’à une rampe de mise à l’eau, à partir de laquelle elle sera amenée dans un centre d’enfouissement. Les partenaires impliqués dans l’intervention ont finalement demandé à ce que la carcasse ne soit pas ouverte afin de ne pas complexifier cette intervention déjà fastidieuse. La baleine sera donc enlevée jeudi matin.

Pour en savoir plus

Sur Baleines en direct:

Les carcasses de baleines intéressent les chercheurs du Saint-Laurent 

Urgences Mammifères Marins rappelle l’importance de signaler les mammifères marins morts ou en difficulté

Analyse des isotopes stables et des acides gras

Dans les médias:

Pas d’autopsie sur le petit rorqual (Radio-Canada, 4 mai 2016)

Un petit rorqual s’échoue près de Québec (TVA Nouvelles, 3 mai 2016)

Un petit rorqual échoué à Lévis (Le Soleil, 3 mai 2016)

Un petit rorqual s’échoue à Saint-Nicolas (Le journal de Lévis, 3 mai 2016)

Un petit rorqual échoué sur les berges du Saint-Laurent à Lévis (Radio-Canada, 3 mai 2016)

Un petit rorqual échoué à Saint-Nicolas (émission Première heure, Radio-Canada, 3 mai 2016 6h40)

Urgences Mammifères Marins - 4/5/2016

Josiane Cabana

Josiane Cabana a été directrice du Centre d’appels du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins de 2011 à 2018. Entre les cas de mammifères marins morts ou en difficulté auxquels elle répond, elle aime prendre le temps de sensibiliser les riverains aux menaces qui pèsent sur ces animaux. Biologiste de formation, elle s’implique au sein du GREMM depuis plus de 15 ans, toujours avec la même passion!

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