Deux bélugas s’apprêtent à s’envoler de Shangai, Chine jusqu’en Islande. Les deux baleines deviendront résidentes du premier sanctuaire au monde pour baleines retraitées. Le but : les ramener dans un milieu ressemblant à celui de leur origine, sans spectacles ou tours à performer.

Litla-Hvít/Little White (Petite blanche, en français) et Litla-Grá/Little Gray (Petite grise, en français) sont nées en Russie il y a douze ans, mais ont passé la majorité de leur vie en aquarium, où elles exécutaient des spectacles. Elles seront encore visibles au public, mais ne performeront plus. Des entraineurs et du personnel soignant surveilleront les deux baleines, habituées au contact humain.

Le voyage entre la Chine et l’Islande totalisera 9650 kilomètres et durera une trentaine d’heures. Les bélugas seront transportés par camion, avion et bateau, tout en étant suivis de près par leurs entraineurs et le personnel soignant. Elles passeront ensuite quelques jours en quarantaine, pour s’assurer qu’elles ne contaminent pas leur nouveau milieu d’accueil. Leur déplacement devait commencer le 18 avril 2019, mais les conditions météo en Islande ont chamboulé l’horaire.

Qu’est-ce qu’un sanctuaire?

Un sanctuaire est un espace confiné dans une baie ou une anse naturelle. Il s’agit en quelque sorte d’un compromis entre la tenue en aquarium et la libération dans le milieu naturel. Pourquoi ne pas relâcher les deux bélugas en Russie, là où ils ont été prélevés? L’habituation aux humains étant très forte, les bélugas ne seraient probablement plus capables de s’alimenter par eux-mêmes ni de s’orienter ou de socialiser avec les autres bélugas.

Afin de maintenir les animaux dans le sanctuaire, un filet ou une structure empêche les bélugas d’en sortir ou les cétacés et autres gros animaux externes d’y entrer. Les poissons, eux, devraient pouvoir y entrer. Un sanctuaire se trouve en milieu naturel, c’est-à-dire qu’il est situé dans un milieu marin, dans une eau non traitée et souvent plus froide que celle d’un bassin d’aquarium. Ensuite, la taille du bassin du sanctuaire est nettement plus grande que celle d’un bassin d’aquarium. De plus, les animaux n’ont pas à effectuer des routines ou des activités dédiées au divertissement des humains. Dans les deux cas, les animaux reçoivent des soins, sont nourris et interagissent avec l’équipe de soins.

Au sanctuaire en Islande, un centre d’interprétation permettra aux visiteurs de découvrir le milieu qui accueille les bélugas et leur histoire. Les profits récoltés serviront aux soins destinés aux bélugas. Le projet est porté par deux organisations britanniques, le Sea Life Trust et le Whale and Dolphin Conservation (WDC), ainsi que par Merlin Entertainments. Le sanctuaire totalise près de 32 000 mètres carré et atteint des profondeurs de près de 10 mètres à certains endroits, donnant un espace de mouvement décuplé pour les bélugas habitués à vivre dans un espace restreint.

Un deuxième sanctuaire pourrait voir le jour au cours des prochaines années, cette fois au Canada. The Whale Sanctuary Project projette de créer le premier sanctuaire en Amérique du Nord pour les bélugas et épaulards ayant vécus en captivité ou ayant été blessés. Le futur site n’a pas encore été désigné, mais il semble probable qu’il sera en Nouvelle-Écosse. L’objectif est d’offrir une fin de vie paisible aux cétacés ayant été captifs et ne pouvant être relâchés dans la nature.

Une longue préparation au déménagement

Les bélugas ont été entrainés durant plus d’une année pour leur déménagement. Ils ont pris du poids de façon constante pour s’acclimater à l’eau froide de la baie naturelle. Les entraineurs leur ont appris à être transportés pour diminuer leur stress. Des éléments du milieu de l’anse de Klettsvík ont aussi été introduits dans leur bassin à Shanghai, comme des poissons, des crustacés et des algues, pour les amener à s’acclimater d’avance.

Mise à jour -14 mai 2020

Little White et Little Grey ont accompli leur voyage vers l’Islande en juin 2019. Pendant un an, elles se sont acclimatées à la température des eaux subarctiques et ont été introduites à la flore et à la faune qui se retrouveront dans leur nouvel habitat. Selon leur équipe soignante, ces préparatifs longs et fastidieux étaient nécessaires afin d’assurer aux deux baleines un transfert sécuritaire et progressif. Leur date de sortie dans la baie est prévue en juin 2020.

Mise à jour - 8 aout 2020

Les deux premiers résidents d’un sanctuaire pour baleines nagent maintenant dans la baie de Klettsvik depuis le 8 aout 2020. Les bélugas Little Grey (petite grise) et Little White (petite blanche) seront quelques temps dans une zone restreinte de la baie pour s’habituer aux marées, à la présence des poissons et au climat de la baie. Ils viennent de passer plus d’un an dans un bassin artificiel d’acclimatation, après un long voyage entre un aquarium en Chine et Klettsvik en Islande.

Selon Sea Life Trust, organisme responsable de ce sanctuaire, les deux baleines devraient avoir l’accès complet à l’ensemble de la baie sous peu, le temps qu’elles s’acclimatent à leur nouveau milieu. Little White et Little Grey se retrouveront alors dans une baie naturelle fermée par un filet. Elles resteront visibles pour le public, mais ne feront plus de spectacles.

Cet habitat unique au monde représente un bon compromis entre la vie en milieu naturel et la vie en aquarium pour des bélugas qui, comme Little White et Little Grey, ont passé la vaste majorité de leur vie en captivité. Habituées aux humains, elles ne pourraient probablement pas être relâchées dans leur habitat naturel sans que leurs chances de survie soient compromises.

Ces deux femelles ne s’étaient pas trouvées en mer depuis qu’elles avaient été transférées de leur Russie natale à un aquarium de Shanghai, en 2011. Quelques années plus tard, les nouveaux propriétaires de l’aquarium ont décidé que l’heure était venue pour ces bélugas de prendre leur retraite. La baie de Klettsvik, en Islande, a finalement été choisie pour les accueillir. Sea Life Trust espère pouvoir accueillir d’autres bélugas issus d’aquariums dans le futur.

Actualité - 30/4/2019

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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