Les rorquals à bosse sont particulièrement impressionnants à admirer : montrant la nageoire caudale en plongeant, sautant hors de l’eau à répétition, frappant de leurs pectorales ou de leur queue sur la surface… Leurs comportements exubérants sont aussi variés que fascinants, mais surtout mystérieux. Que signifient toutes ces prouesses et à quoi servent-elles? Levons le voile sur les raisons derrière certains de ces intrigants spectacles de puissance.

Communiquer grâce aux sons

L’impact lors de la collision entre la surface de l’eau et le corps de l’animal produit des sons audibles sur de plus ou moins longues distances. C’est pourquoi la communauté scientifique s’entend pour dire que ces sons font partie d’une gamme particulièrement large de bruits servant à la communication interindividuelle. Les baleines peuvent communiquer à la fois de manière verbale – grâce à leur ample spectre vocal – et de manière non verbale – grâce à leur comportement et aux sons que ces derniers peuvent produire –, un peu à la manière des humains et de bien d’autres animaux.

Alors que les sons verbaux ont été étudiés abondamment, ceux produits par l’activité de surface des baleines sont encore énigmatiques. Pourtant, le répertoire comportemental des rorquals à bosse occupe une place importante dans la compréhension des interactions sociales entre les individus. Ces sons pourraient, entre autres, permettre aux groupes dispersés de rester en contact et de se localiser, ainsi qu’aux individus au sein d’un même groupe de communiquer.

Durant la période de reproduction des cétacés, les prouesses des mâles, comme taper la surface de l’eau à coups de pectorales et de caudale ou encore sauter dans les airs, représentent généralement un spectacle de force pour séduire les femelles ou pour éloigner d’autres courtisans potentiels. Ils peuvent faire preuve de grande violence durant ces parades, les mâles s’affrontant entre eux et s’infligeant de graves blessures. Outre cette utilité bien connue, analysons plus précisément l’intérêt de certains de ces comportements particuliers chez les rorquals à bosse.

Tail slapping

La baleine se place à la verticale, la tête en bas, et soulève son pédoncule hors de l’eau pour frapper la surface miroitante de haut en bas de sa caudale, et ce, à plusieurs reprises. Ce geste produit un son de claquement assourdissant qui peut s’entendre à des centaines de mètres à la ronde.

Ce comportement est observé le plus fréquemment juste avant la formation ou la séparation de groupes d’individus. Les sons produits sembleraient permettre d’arbitrer ou d’inciter ces interactions.

Le tail slapping pourrait également être un comportement antagoniste adopté lors d’interactions entre groupes compétitifs, selon une hypothèse. Par exemple, lorsque plusieurs mâles compétitionnent pour les faveurs d’une femelle, des coups de queue peuvent même être utilisés pour frapper leurs rivaux.

Cependant, les femelles et les veaux ont également été observés frappant la surface de l’eau de leur queue, alors qu’ils n’étaient entourés d’aucun mâle. Ce comportement pourrait donc également être une sorte de jeu pour les jeunes, ceux-ci imitant leurs confrères plus âgés ou s’amusant tout simplement à cabrioler dans les eaux houleuses.

Une dernière hypothèse fort étonnante – et pourtant fort probable – pourrait justifier ces cabrioles : il s’agirait d’une technique d’alimentation! Eh oui, les bruits assourdissants produits par la queue de la baleine effraieraient les proies qui l’entourent. Les petits crustacés auraient donc tendance à se rapprocher en groupes plus serrés, facilitant ainsi l’engloutissement de grandes bouchées denses de proies par leur prédateur.

Peduncle throw

Cette prouesse se produit principalement durant la période de reproduction. Le mâle se retourne sur le côté, propulse le bas de son corps dans les airs, le laissant ensuite retomber violemment dans l’eau. C’est un des spectacles de force les plus agressifs que peuvent démontrer les rorquals à bosse. Il serait observé lors d’interactions entre groupes ou individus en compétition, notamment pour l’attention de femelles.

Tail sailing

Au large, une queue de baleine reste tendue hors de l’eau, à la verticale, immobile durant plusieurs minutes? Inutile de s’alarmer! Il s’agit effectivement d’un comportement appelé tail sailing, une posture rarement observée, mais qui n’a rien d’anormal.

Ce comportement est souvent observé chez des femelles accompagnées de leurs veaux. Il peut durer parfois quelques minutes seulement, d’autres fois plusieurs heures. Certains scientifiques rapportent même avoir observé une baleine rester immobile dans cette position pendant aussi longtemps que dix heures !

La communauté scientifique n’est d’ailleurs toujours pas convaincue de ce qui explique ce comportement, mais plusieurs théories ont été soulevées. Selon Ed Lyman, spécialiste en protection de ressource pour le Hawaiian Islands Humpback Whale National Marine Sanctuary, les soins parentaux sont définitivement impliqués dans ce comportement. D’après lui, il est très probable que trois explications soient à l’origine de cette étrange position, se produisant possiblement toutes en même temps.

D’abord, une hypothèse veut que cette position permettrait à la mère de se reposer tout en surveillant son baleineau du coin de l’œil. Il serait aussi possible que la mère puisse nourrir aisément son veau alors qu’elle est positionnée ainsi à la verticale dans l’eau. Cette position placerait les glandes mammaires de l’adulte en parfaite position pour éjecter du lait maternel dans la gueule du petit. Finalement, cette drôle de posture pourrait également être une technique de thermorégulation. La nageoire caudale mouillée émergeant de la surface, frappée par le vent, permettrait de rafraîchir la baleine, un peu à l’image de la sueur sur notre peau lors d’une journée de canicule.

Étant donné que ces trois explications ne sont pas mutuellement exclusives, il ne serait pas étonnant que la femelle rorqual à bosse bénéficie de ces trois techniques simultanément lorsqu’elle se tient ainsi à la verticale.

Une compréhension plus claire à l’avenir

Il est difficile d’évaluer précisément les fonctions des divers comportements de ces baleines. Leurs fonctions varient selon les groupes impliqués, leur âge et leur sexe, la distance entre ceux-ci, le contexte des interactions et leur environnement. Cependant, ces études nous ouvrent la porte vers une compréhension plus détaillée du comportement social de ces géants spectaculaires.

Les baleines en questions - 29/2/2024

Emmanuelle Langlois

Emmanuelle Langlois rejoint l’équipe du GREMM en tant que rédactrice scientifique à l’automne 2023. Fascinée par les curiosités du monde aquatique, elle est attirée par l’immensité des écosystèmes marins depuis son enfance, époque où tous les étés elle partageait cet amour avec sa famille sur la plage. Au terme de ses études, elle souhaite dédier sa carrière à étudier et à raconter les mystères des êtres dissimulés sous la surface.

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