Retard dans l’établissement de plan d’action, manque de ressources, manque de soutien aux organismes partenaires, laisser-aller qui aurait aggravé la situation d’espèces menacées: les constats émis par la commissaire à l’environnement et au développement durable du Parlement du Canada, Julie Gelfand, sont durs. Dans un rapport sévère déposé le 2 octobre, elle fait état du manque d’efforts de protection des mammifères marins de la part du gouvernement fédéral.

Le gouvernement du Canada est responsable d’assurer la protection des mammifères marins sur son territoire. Or, selon le rapport, les différents ministères peinent à mettre en œuvre les mesures de protection, et même à les déterminer.

Avec son équipe, la commissaire a évalué les efforts menés par quatre ministères : Pêches et Océans Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Parcs Canada et Transports Canada. Le rapport couvre la période du 1erjanvier 2012 au 1erjuin 2018 et se penche sur deux menaces : celles liées à la pêche commerciale (empêtrement, prise accidentelle, appauvrissement des stocks de poisson) et celles liées à la navigation maritime (collisions, déversement d’hydrocarbures, bruit et perturbation chronique).

La conclusion générale du rapport est qu’aucun des ministères «n’a pleinement appliqué les politiques et mécanismes existants qui auraient permis de gérer de façon proactive les menaces pour les mammifères marins». Résultat, l’absence de mesures et politiques n’aide pas le rétablissement des populations de mammifères marins.

Un des premiers constats du rapport est l’absence de plan de rétablissement et de plan d’action. Et sans ces plans, difficile de faire un suivi : «Nous avons constaté que, pour 11 des 14 espèces [ou populations] de mammifères marins désignées comme étant en voie de disparition ou menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada ne pouvait pas démontrer s’il avait mis en œuvre des mesures de gestion concrètes pour réduire les menaces posées par la pêche commerciale et les navires.»

«Pour 11 des 14 espèces [ou populations] de mammifères marins désignées comme étant en voie de disparition ou menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada ne pouvait pas démontrer s’il avait mis en œuvre des mesures de gestion concrètes pour réduire les menaces posées par la pêche commerciale et les navires.»

Lorsqu’une espèce ou une population marine est classifiée comme «menacée» ou en «voie de disparition» dans la liste des espèces en péril de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada doit définir des programmes de rétablissement, et ce, dans un délai prescrit. Or, pour 14 espèces ou populations, seulement quatre programmes de rétablissement ont été finalisés dans les temps impartis. De plus, par la suite aucun plan d’action suivant le plan de rétablissement n’a été établi dans le délai imparti.

La commissaire déplore aussi le manque de protection offert aux mammifères marins par les aires marines protégées, mais cite en exemple l’initiative de Parcs Canada de fermer la baie Sainte-Marguerite, dans le Saguenay, à la navigation durant la saison estivale. Cette baie est fortement fréquentée l’été par des bélugas femelles et juvéniles.

Concernant les pêcheries, le rapport constate des lacunes importantes dans la gestion des stocks de poissons, mais également dans la gestion des prises accidentelles : «Le Ministère [des Pêches et des Océans du Canada] a relevé 74 stocks de poissons qui posaient un risque de prise accessoire et d’empêtrement pour les mammifères marins. Nous avons constaté que, pour la saison de pêche de 2017, seulement 8 de ces stocks avaient, dans leur plan de gestion intégrée des pêches, des mesures visant à prévenir la prise accessoire ou l’empêtrement de mammifères marins».

Une situation en voie de changer

À la lecture du rapport, on constate que plusieurs changements commencent à s’opérer à la fin de 2017 ou en 2018, après la période évaluée. Les mesures ou les modifications aux lois proposées, qui remontent parfois aussi loin qu’en 2006, commencent à être adoptées. Il semble donc y avoir un changement de mentalité ou de façons de faire en cours. De plus, dans le rapport de la commissaire, des recommandations ont été formulées. Les ministères les ont toutes acceptées.

Pour le lire le rapport complet (22 pages): La protection des mammifères marins

Actualité - 4/10/2018

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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