De nombreuses personnes nous écrivent pour nous témoigner leur inquiétude à propos du rorqual à bosse à Montréal. Nous apprécions leur sollicitude et les remercions pour leur engagement envers les baleines.
L’équipe du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins est elle aussi inquiète pour ce jeune rorqual. Nous espérons qu’elle reprendra rapidement le chemin vers l’aval. C’est pourquoi nous souhaitons transmettre ici les informations les plus claires et précises sur ce qui guide les actions du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins dans le traitement du cas du rorqual à bosse dans le secteur de Montréal.
Le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, coordonné par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) et mandaté par Pêches et Océans Canada, réunit plusieurs organismes ayant une expertise sur les baleines et en santé animale. Son équipe est en contact avec d’autres experts en intervention auprès de baleines et de phoques du Canada et d’ailleurs, dont Frances Gulland, du Marine Mammal Center, un important centre de réhabilitation de mammifères marins et de recherche sur le sujet.
Comment aider le rorqual?
La meilleure chose à faire pour aider ce rorqual à bosse à retourner dans son habitat naturel est de le laisser prendre cette décision par lui-même.
La baleine nage librement, elle semble en assez bonne condition physique et pourrait à tout moment repartir vers l’aval, vers l’estuaire ou le golfe du Saint-Laurent, là où se trouvent habituellement les rorquals à bosse. Aucun obstacle physique ne l’en empêche.
Afin de lui permettre de reprendre la route vers les siens, des patrouilles nautiques de la SPVM et des agents des pêches s’assurent de faire respecter une distance minimale de 100 mètres avec les plaisanciers. Cette distance, en plus d’être obligatoire, assure la sécurité des plaisanciers. Les pilotes des navires commerciaux sont également avisés de la présence de la baleine.
À l’inverse, tenter de forcer un animal d’une dizaine de tonnes à suivre un chemin contre son gré est un exercice très délicat. La présence de ce rorqual à bosse dans la portion fluviale du Saint-Laurent n’est pas le résultat d’une intervention humaine. Par contre, une intervention humaine pour tenter de le déplacer ou de le faire partir pourrait le stresser ou le désorienter davantage, voire le blesser ou le tuer. Les interventions comportent aussi des risques pour les humains.
De plus, les différents essais dans des situations similaires ailleurs dans le monde pour déplacer une baleine contre son gré (autant par des émissions de sons, du nourrissage, des manipulations physiques) se sont souvent soldés par un échec (voir ci-dessous). Pour ces raisons, le RQUMM et ses partenaires privilégient de «laisser la nature suivre son cours» et de poursuivre une intervention de sensibilisation auprès des usagers du Saint-Laurent, à moins d’un changement à la situation.
Quels autres cas peuvent inspirer l’équipe du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins?
Certains cas marquants impliquant des rorquals à bosse peuvent être pris en exemple pour comprendre les décisions actuelles.
Par exemple, en mai 2007, une paire mère-veau a ainsi remonté la rivière Sacramento. Les deux baleines avaient des blessures conséquentes à une collision avec une hélice de moteur. Afin de les faire reprendre le chemin vers l’océan, des équipes ont tenté des méthodes d’effarouchement: faire résonner des signaux d’alarme, jouer des sons d’épaulards-une espèce prédatrice des rorquals à bosse- utiliser la technique «oikami» développée par des pêcheurs japonais, qui consiste à frapper sur des tubes de métal, arroser la surface de l’eau près des baleines avec des boyaux de pompier, repousser les baleines par des battues de bateaux… Aucune de ces techniques n’a eu d’effet significatif.
À cause de leurs blessures, les deux baleines ont reçu une dose d’antibiotique, une première. Au bout de 11 jours, les deux rorquals à bosse ont quitté par eux-mêmes la zone d’eau douce pour retrouver l’eau saumâtre. Les affections cutanées ont diminué d’intensité au bout de 24 heures. La paire mère-veau a ensuite repris le large, au terme d’un séjour d’environ 20 jours. L’équipe d’intervention supervisée par Frances Gulland recommande donc aux autres équipes d’intervention qui seraient en contact avec une situation similaire «de s’assurer de la protection des animaux en prévenant le dérangement par les embarcations et en diminuant les risques de collision plutôt qu’en tentant de repousser ou déplacer les animaux.»