Par Célia Baratier

Juin 2018, un globicéphale échoué sur une plage en Thaïlande vomit cinq sacs de plastique lors des opérations de secours. Après son décès, 8kg de plastique sont retrouvés dans son estomac. Ce cas n’est malheureusement pas unique : de plus en plus de cétacés sont retrouvés morts avec de grandes quantités de plastique en eux. En plus des gros morceaux qui peuvent obstruer les voies digestives, les déchets plastiques se décomposent sous l’action du soleil en de toutes petites particules. Le plastique peut alors se retrouver dès la base de la chaine alimentaire et s’accumuler de proie en proie, entrainant avec lui des composés chimiques toxiques. En haut de cette chaine, les cétacés deviennent particulièrement vulnérables.

Une revue de littérature publiée récemment retrace les diverses pressions associées au plastique sur les cétacés en Méditerranée. Elle met aussi en lumière l’effet cocktail des différentes menaces, auquel s’ajoute le plastique, et qui affaiblit les cétacés.

Du plastique au menu

L’interaction avec le plastique est documentée chez plus de la moitié des espèces de cétacés (60%). Les baleines peuvent s’empêtrer dedans, causant des blessures, voire la mort, mais sont aussi susceptibles d’en ingérer.

Les baleines peuvent manger directement des débris, soit en les méprenant pour leurs proies, soit accidentellement en s’alimentant. Elles peuvent aussi manger des proies qui contiennent du plastique. En outre, les nouveau-nés peuvent recevoir les contaminants par le lait de leur mère. Cette ingestion de déchets peut engendrer un faux sentiment de satiété, diminuer l’accumulation de graisse dans le corps et ainsi nuire à la condition physique de l’animal ou encore bloquer les voies digestives, ce qui peut mener à la mort de l’animal.

Une menace invisible

Mais la menace est plus insidieuse encore, car ces morceaux de plastique sont aussi la porte d’entrée de contaminants chimiques et de métaux lourds. Ces composés chimiques s’accumulent dans les graisses des proies au fur et à mesure de la chaine alimentaire, et se retrouvent donc en plus grande quantité chez les cétacés. La présence de ces contaminants peut provoquer des troubles hormonaux et neurologiques. De plus, les toutes petites particules de plastique peuvent aussi avoir un impact à l’échelle cellulaire. Cela peut causer des inflammations notamment des intestins ou encore altérer les mécanismes moléculaires, comme le métabolisme du foie et des muscles.

Du fait de leur technique d’alimentation par la filtration d’eau, les rorquals communs dans la mer Méditerranée consommeraient plus de 3 000 micros particules de plastique par jour, comprenant des produits chimiques toxiques et bioaccumulants.

Le concept du «multifacteur»

Les cétacés sont en contact avec une grande variété de menaces qui peuvent potentiellement impacter leur espérance de vie ainsi que leur capacité de reproduction. Les changements climatiques, la fluctuation des réserves de nourriture, la prédation, les compétiteurs, les parasites, les maladies, ou encore les effets liés à l’activité humaine (pollution, bruit…) en sont des exemples. Cumulés, ces facteurs peuvent avoir un impact encore plus important et plus grand que seul sur les individus.

C’est aussi un ensemble de facteurs qui compromet la santé des bélugas du Saint-Laurent. Les contaminants chimiques présents dans le Saint-Laurent, les changements climatiques qui diminuent le couvert de glace, la variation du stock de proies, ou encore un environnement sonore de plus en plus bruyant, tous ses éléments affaiblissent la population, la rendant plus vulnérable à certaines maladies.

Les baleines sont sensibles à l’évolution de leur environnement : le plastique dans les océans vient s’ajouter aux pressions déjà existantes et entrave le bienêtre de nombreuses espèces marines. Lors du G7 2018 à Charlevoix, la ministre canadienne de l’environnement a proposé une «chartre zéro déchet de plastique», ratifiée par 5 des 7 pays. Ce premier geste international contre le plastique jetable et vers un recyclage de 100% des plastiques d’ici 2030, sans pour autant l’interdire, marque une prise de conscience du problème. De plus, des initiatives prometteuses pour lutter contre la pollution par les plastiques ont été imaginées, mais bien sûr, des petits gestes au quotidien sont aussi de grandes avancées!

Actualité - 1/10/2018

Collaboration Spéciale

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