Avec des routes maritimes arctiques de plus en plus utilisées par la navigation marchande, un océan Arctique libre de glace pourrait tester la résistance et la capacité d’adaptation des mammifères marins. Les collisions avec les navires et l’augmentation de la pollution, autant lumineuse que sonore, peuvent être problématiques pour les baleines et les phoques. Les experts s’attendent à ce que ces problèmes deviennent de plus en plus fréquents avec l’avènement des routes maritimes arctiques comme le passage du Nord-Ouest et la route maritime du Nord.
Dany Dumont, océanographe à l’Institut des sciences de la mer à Rimouski (ISMER), explique que certains modèles climatiques prévoit que : « d’ici quelques décennies, au mois de septembre, alors que l’Arctique est à son plus chaud, il sera possible de passer directement par le pôle Nord. » Dans ce contexte, comment allier le développement économique prometteur de l’océan Arctique et son écosystème de plus en plus vulnérable?
Évaluer la fragilité des mammifères marins
L’étude de Donna Hauser et ses collaborateurs démontre la vulnérabilité de 42 des 80 sous-populations de mammifères marins arctiques échantillonnées. Des sept espèces observées, les narvals, les morses, les baleines boréales et les bélugas sont à un niveau de risque élevé face au trafic maritime. Le narval, en particulier, est fort sensible, puisque son aire de répartition qui occupe environ le quart de l’Arctique se trouve pile au travers des voies maritimes.
Les cétacés qui habitent l’Arctique sont des animaux migrateurs qui suivent des routes établies depuis des générations. Ils sont également fidèles à certains sites d’alimentation se trouvant dans des eaux très productives. Le passage du Nord-Ouest et la route maritime du Nord se juxtaposent à ces endroits prisés pour se nourrir et aux routes migratoires empruntées à l’automne. De plus, certaines zones géographiques forment un goulot et amènent les navires et les mammifères marins à se partager un territoire très restreint. La baie de Baffin, le détroit de Béring et le détroit de Lancaster sont des zones où le passage du Nord-Ouest empiète directement sur l’aire de répartition des populations de mammifères marins.
Planifier ces nouvelles routes
Face à la vulnérabilité des mammifères marins, l’équipe de Donna Hauser suggère des mesures d’atténuation pour tenter de limiter l’effet des nouvelles voies maritimes. L’évitement des habitats clés des espèces à risque lors de la planification des itinéraires ainsi que la détection et l’évitement des baleines rencontrées pourraient faire une différence.
En terminant, Dany Dumont de l’ISMER remarque que, même si la fonte de la glace est un facteur d’importance pour la navigation, ce n’est pas demain qu’on naviguera les routes maritimes de l’océan Arctique : « Si j’étais armateur, en plus de la disparition de la glace, j’attendrai que le système climatique de l’Arctique soit moins imprévisible pour faire une traversée. Autrement, même sans glace, ce n’est pas sécuritaire. »
Il reste donc encore du chemin à faire avant que les voies maritimes de l’Arctique soient pleinement praticables, ce qui laisse du temps pour agir et protéger les mammifères marins vulnérables.