Qu’elles soient pour ou contre le projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay, 2550 personnes et organisations ont remis un mémoire au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec (BAPE). Le GREMM a déposé un mémoire et l’a présenté le 27 octobre dernier.
Une mobilisation record
«Nous avions estimé à 3000 le nombre de mémoires vendredi dernier, mais le chiffre exact est de 2550», confirme Julie Olivier, conseillère en communications du BAPE. Ce nombre bat tous les records de participation à une évaluation environnementale d’un projet au Québec. Avec 699 mémoires, le précédent record était détenu par l’évaluation du projet Rabaska, un terminal méthanier à Lévis.
Promut par GNL Québec, le projet Énergie Saguenay recevrait du gaz naturel de l’Alberta obtenu par fracturation hydraulique et acheminé par un pipeline à construire (le projet Gazoduq, promut lui aussi par GNL Québec, mais évalué séparément) dans sa nouvelle usine. Le gaz naturel liquéfié (gnl) serait ensuite exporté par navire-citerne à partir de Saguenay.
Différents aspects touchent la population et les organismes, comme l’impact sur les changements climatiques, la destruction d’habitats terrestres par la construction du pipeline, l’augmentation du trafic maritime dans l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent, les retombées sur l’économie canadienne ou encore les impacts sur la santé humaine.
Du 26 octobre au 4 novembre 2020, 244 mémoires et présentations seront livrés oralement devant la commission au moyen d’une plateforme virtuelle. Les présentations peuvent être regardée en direct ou en rediffusion sur la page Facebook du BAPE ou sur son site web.
Des ressources additionnelles sont allouées à la commission pour traiter tous les mémoires, afin de ne pas reporter la remise du rapport final prévue pour le 13 janvier 2021. Pour rappel, les recommandations du BAPE n’ont pas de valeur exécutive. Le ministre responsable de l’Environnement du Québec peut prendre ou non en compte le rapport.
Le GREMM recommande de reporter l’évaluation d’Énergie Saguenay
«La protection du Saguenay pourrait être un de nos meilleurs outils pour aider le béluga à se rétablir», avertit le directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), Robert Michaud devant les commissaires.
Dans ce mémoire de 10 pages, le GREMM revient sur les effets du bruit sous-marin sur les bélugas, effets qui vont du stress chronique à l’incapacité de communiquer. L’organisme explique aussi pourquoi, par rapport aux autres menaces pesant sur le béluga comme la réduction des proies ou la contamination, le bruit sous-marin peut être contré plus rapidement et doit donc être traité en priorité.
Les impacts de l’augmentation du trafic maritime lié au projet Énergie Saguenay, qui doublerait le niveau de trafic actuel, n’ont pas pu jusqu’à maintenant être mesurés. Toutefois, de nombreux projets sont en cours pour pouvoir mieux le déterminer. Le GREMM collabore avec l’Université du Québec en Outaouais à un simulateur pour prédire l’exposition des bélugas au bruit et à la navigation. Après un an de travail, ils ont déjà pu confirmer que les études d’impact faites jusqu’à maintenant par les promoteurs de projets sur le Saguenay ne peuvent être valables. «Les simulations prenant en compte les nouvelles informations sur la structure sociale et la répartition spatiale des bélugas prédisent des niveaux d’exposition au bruit sous-marin jusqu’à trois fois plus élevés que les simulations ignorant ces nouvelles données mises au jour par notre équipe», indique le GREMM dans son mémoire.
Le Saguenay reste pour le moment peu bruyant par rapport au reste de l’habitat essentiel des bélugas. Il est fréquenté par un grand nombre de bélugas, et une proportion élevée de femelles et de jeunes.
Pour éviter le pire, le GREMM recommande donc de reporter l’évaluation de tout«projet susceptible de modifier les caractéristiques ou les qualités acoustiques du fjord du Saguenay avant que les projets de recherche en cours portant sur le bruit sous-marin et les bélugas ne soient complétés.» Les projets devraient être suffisamment avancés pour permettre de bonnes évaluations en 2023. Le GREMM recommande aussi de créer une aire marine «tranquille», aussi appelée «refuge acoustique» dans la partie du Saguenay couverte par le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent.