Au printemps, plusieurs observateurs témoignent de la présence de phoques sur les rives du Saint-Laurent. Le soleil sort de plus en plus souvent, les températures sont clémentes et la nourriture abonde : les conditions apparaissent idéales pour mettre bas pour les phoques communs. Les femelles vont en effet donner naissance à leurs petits dans les prochaines semaines. Mais chez d’autres espèces de pinnipèdes, par exemple le phoque gris ou le phoque à capuchon, c’est déjà mission accomplie! Chaque espèce semble mettre bas lorsque les conditions sont les plus favorables à la survie de ses petits.

En fait, certaines observations portent à croire que les pinnipèdes sont en mesure d’ajuster la date de la naissance de leur petit en fonction de leurs conditions environnementales, et ce, à deux moments pendant la gestation. Au début de la grossesse, l’implantation de l’embryon peut être retardée: il s’agit de la «diapause embryonnaire». Vers la fin de la gestation, des chercheurs ont également constaté que les femelles pouvaient retarder le moment de la mise bas, même lorsque le travail a déjà commencé.

Appuyer sur «pause»

La diapause embryonnaire est une stratégie reproductive qui consiste à suspendre le développement de l’embryon afin que la gestation et la mise bas aient lieu dans les meilleures circonstances possible. Elle n’est pas exclusivement adoptée par les phoques: on la retrouve chez plus de 130 espèces de mammifères ou insectes. Chez certaines espèces, elle s’avère facultative, provoquée par des conditions particulières, physiologiques ou environnementales, qui pourraient mettre à risque la mère ou le petit. Chez toutes les espèces de pinnipèdes, elle fait partie intégrante du cycle reproducteur.

 

La femelle phoque peut retarder l’implantation de l’embryon dans la paroi utérine. Il reste alors en dormance, jusqu’à ce qu’il soit réactivé par des régulateurs hormonaux. La durée de l’arrêt est variable d’une espèce de phoque à l’autre, puisque la meilleure période de mise bas n’est pas la même pour toutes. Des caractéristiques telles que la taille de la mère, la qualité de sa fourrure ou le lieu de reproduction diffèrent selon chaque espèce, ce qui fait que la période idéale diffère elle aussi.

La photopériode apparait comme le principal facteur agissant sur la date d’implantation de l’embryon du phoque. Grâce à la variation de la durée du jour, les pinnipèdes sont capables de se repérer dans le temps annuel. De cette façon, ils peuvent déterminer quel est le meilleur moment pour appuyer sur «go»!

En dernier recours

Malgré ces précautions, les phoques ne sont évidemment pas à l’abri des imprévus! Il arrive que l’accouchement soit provoqué alors que la femelle n’est pas en sécurité ou est dérangée par la présence d’autres espèces ou de facteurs stressants, par exemple le bruit provoqué par le transport maritime ou la présence de prédateurs potentiels près de l’échouerie. Elle peut alors choisir de retarder la naissance du petit qui avait commencé à sortir. Plusieurs témoins affirment en effet avoir vu certaines d’entre elles interrompre leur accouchement en faisant rentrer la tête du chiot qui était visible. Toutefois, il ne s’agit pas d’une stratégie viable à long terme: la femelle ne peut «retenir» son petit ainsi que pendant une ou deux journées. Tout de même pratique!

Actualité - 15/5/2020

Gabrielle Morin

Gabrielle Morin s’est jointe à l’équipe de Baleines en direct à l’hiver 2020 en tant que stagiaire. Étudiante en littérature, elle s’implique dans le milieu littéraire de la ville de Québec et écrit à temps perdu. Son amour des baleines est né sur les berges de l’estuaire du Saint-Laurent et l’a poursuivie jusqu’à Lévis. Depuis, elle le nourrit grâce à la lecture d’ouvrages scientifiques et à des expéditions estivales. Elle croit que sa passion de la littérature et des mammifères marins naissent d’une même volonté: capturer, et surtout partager son émerveillement.

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