Six mois après la désignation de l’habitat essentiel des bélugas, les recommandations et les mesures pour le protéger des activités humaines auraient dû être mises en œuvre. Son nouveau statut de population « en voie de disparition » rappelle que le gouvernement fédéral a pris plus de deux ans de retard. Protéger l’habitat des femelles et des nouveau-nés est fondamental pour le rétablissement de l’espèce.

Le Comité sur la situation des espèces en péril (COSEPAC) vient d’attribuer un nouveau statut au béluga du Saint-Laurent: de « menacé » il devient « en voie de disparition » (lire l’article des Actualités d’ici et d’ailleurs dans Baleines en direct du 2 décembre 2014) . Ces experts évaluant tous les dix ans l’état des espèces sauvages au Canada, ils déclarent que cette petite population fait face maintenant à un risque de disparition considérablement plus élevé qu’en 2005.

Statut nouveau et plus de deux ans de retard pour protéger l’habitat

La situation de la population n’est pas nouvelle pour autant puisque les spécialistes du béluga du Saint-Laurent ont publié un Avis scientifique en 2013, étayé par une dizaine de documents de recherche. Ils établissant que la population est en déclin depuis le début des années 2000 et que les mortalités des nouveau-nés des dernières années sont alarmantes. « Les scientifiques du COSEPAC ont utilisé toutes les données disponibles et celles de l’avis de 2013, explique Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM). On s’attendait à ce changement de statut. »

Le Programme de rétablissement du béluga (Delphinapterus leucas), population de l’estuaire du Saint-Laurent au Canada a été rédigé en 2012 par le ministère Pêches et Océans Canada en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) et de l’inscription de la population à l’annexe 1. Qu’elle soit « menacée » ou « en disparition », le programme vise la mise en place des mêmes mesures de protection de son habitat essentiel. La désignation de l’habitat essentiel a pour but d’en faciliter la protection vis-à-vis des activités humaines qui pourraient le détruire et ainsi compromettre la survie et le rétablissement de l’espèce.

« Le changement de statut du béluga nous rappelle qu’il est urgent de protéger son habitat essentiel, poursuit M. Michaud, qui est désigné, décrit en détail dans son programme de rétablissement. En vertu de la LEP, le gouvernement fédéral a six mois après la désignation pour le protéger de ce qui peut le détruire. Il est en retard de deux ans et demi. »

L’habitat essentiel est délimité par la fréquentation estivale de l’espèce: l’estuaire moyen, la rivière du Saguenay jusqu’à la baie Sainte-Marguerite et le chenal du sud de l’estuaire maritime. Les femelles, les veaux et les juvéniles sont fidèles à ces zones d’estivage, et les fonctions de mise bas et d’élevage sont vitales pour que la population survive et se rétablisse.

Des menaces bien identifiées et d’autres projets à l’horizon

Parmi les dix menaces identifiées dans le Programme de rétablissement, quatre sont de niveau élevé: les contaminants; le dérangement lié aux activités humaines (trafic maritime et pollution sonore); la réduction de l’abondance, de la disponibilité et de la qualité des proies; les autres causes de dégradation de l’habitat, qui sont reliées à la construction d’infrastructures portuaires, le dragage de la voie maritime, les aménagements hydroélectriques, les activités d’exploration sismique et de forages de l’industrie pétrolière et gazière. En cumulant leurs impacts ou en agissant en synergie, ces menaces exercent une pression d’autant plus préoccupante sur la population auxquelles les changements climatiques viennent s’ajouter.

« Si les recommandations de protection de l’habitat avaient été prises plus tôt, nous aurions eu de meilleurs outils pour interdire le projet de TransCanada », souligne Robert Michaud. Cette entreprise, qui a débuté des travaux pour la construction d’un long quai en prolongement du port de Cacouna pour transborder le pétrole en provenance de l’Alberta sur des navires, voit son projet remis en cause par le nouveau statut du béluga.

Si l’attention des médias et les préoccupations des citoyens se sont centrées sur Cacouna depuis quelques mois, d’autres projets de construction d’infrastructures portuaires sont en cours dans le fjord du Saguenay, pour le transport du phosphate et de produits pétroliers. Ils entraîneraient une augmentation de la circulation des navires lourds et bruyants dans l’habitat essentiel du béluga.

Sources

Sur le site du gouvernement du Canada:

Le Programme de rétablissement du béluga (Delphinapterus leucas), population de l’estuaire du Saint-Laurent au Canada

Loi sur les espèces en péril

Sur le site du gouvernement du Canada:

Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC): Béluga, population de l’estuaire du Saint-Laurent

On a aimé écouter

Sur le site d’Ici Radio-Canada:

Entrevue avec Robert Michaud: le béluga proclamé espèce en voie de disparition (à 12 h 23 sur l’audio fil du 2 décembre 2014; 6 min 21 s)

Pour en savoir plus:

Sur le site d’Huffington Post:

Les bélugas en voie de disparition, TransCanada arrête ses travaux (vidéo de 3 min 05 s)

Une menace pour les bélugas

Sur le site de la Presse:

Les bélugas particulièrement vulnérables aux maladies et aux catastrophes

Sur le site de Baleines en direct:

Le programme de rétablissement du béluga du Saint-Laurent

La Loi sur les espèces en péril au Canada

Projet de port pétrolier à Cacouna: un danger pour les bélugas

Les bélugas du Saint-Laurent sont en déclin

Actualité - 5/12/2014

Équipe du GREMM

Dirigée par Robert Michaud, directeur scientifique, l’équipe de recherche du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) étudie en mer les bélugas du Saint-Laurent et les grands rorquals (rorqual à bosse, rorqual bleu et rorqual commun). Le Bleuvet et le BpJAM quittent chaque matin le port de Tadoussac pour récolter de précieuses informations sur la vie des baleines de l’estuaire du Saint-Laurent.

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