Elles aiment, elles vivent le deuil, elles jouent, elles partagent: les baleines vivent dans des sociétés complexes et partagent une culture propre à chacune d’entre elles. C’est ce que présente la mini série documentaire Les secrets des baleines (Secrets of the Whales en version originale), présentée par Disney+, en collaboration avec National Geographic. Produite par James Cameron, le réalisateur d’Avatar, la série a été filmée sur plus de trois ans dans 24 endroits, dont à Tadoussac, avec l’équipe du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins et leur collaboratrice Valeria Vergara d’Ocean Wise. Divisée en quatre épisodes narrés par l’actrice Sigourney Weaver, la série sous-titrée en français plonge dans les sociétés d’épaulards, de rorquals à bosse, de bélugas, de narvals et de cachalots, toutes des espèces qu’on trouve dans le Saint-Laurent.

Qu’en a pensé l’équipe de Baleines en direct? Les images époustouflantes et parfois inédites ainsi que les enregistrements des cris et chants des baleines captivent. Le ton n’est ni catastrophiste ni alarmiste et donne surtout envie d’en savoir plus sur les baleines qu’on adore tant. Bien sûr, le besoin de narration nécessite quelques entorses à la réalité: on ne sait pas exactement d’où vient le narval qui vit dans le Saint-Laurent, il y a probablement plus d’un baleineau rorqual à bosse filmé pour représenter la migration, etc. Néanmoins, tous les éléments demeurent plausibles et témoignent de réels enjeux dans la vie des cétacés.

On peut par contre regretter que le travail des chercheurs et chercheuses soit passé sous silence. En mettant en scène Brian Skerry, le photographe et vidéographe transformé en personnage principal humain de la série, on oublie un peu trop souvent le minutieux travail des scientifiques échelonné sur des dizaines d’années qui ont permis de comprendre les comportements observés et d’analyser les sons entendus. Grâce à la connaissance pointue du terrain partagée par les chercheurs et chercheuses, le réalisateur a pu trouver les bons endroits où filmer et interpréter les images enregistrées, cela aurait peut-être mérité plus de reconnaissance.

Mais le grand plus de la série, c’est qu’elle nourrit la fascination pour les baleines. Elle effleure plusieurs mystères, mais ne dit évidemment pas tout. Baleines en direct vous propose donc d’aller plus loin dans la compréhension et la mise en perspective de certaines notions ou scènes présentées dans les épisodes.

Qu’est-ce que la culture?

Les scientifiques ont longtemps évité avant de parler de culture chez les baleines. Le chercheur canadien Hal Whitehead, lui, n’a pas hésité à développer cette thèse. La culture, c’est un ensemble de connaissances et de codes qui se transmettent à travers un groupe et qui finissent par définir ce groupe, cette société par rapport à une autre. Dans la série, cela se démontre par la transmission de techniques de chasse bien précises chez les épaulards, par l’apprentissage de dialectes chez les cachalots ou par le choix de lieux de migration chez les bélugas. Ce que la série montre, mais bien brièvement, c’est qu’en plus des grands traits sociaux d’une espèce, les populations et même à plus petite échelle, l’organisation de la société varie.

Pour en savoir plus sur la vie en société chez les baleines, c’est par ici.

Une scène aussi riche que le lait!

Une des scènes renversantes, c’est celle de l’allaitement d’un veau (le nom donné au baleineau né au cours de l’année) cachalot. Moment intime, l’allaitement a surtout été observé chez des bélugas ou des dauphins en captivité et très peu en nature. Comme nous, les baleines sont des mammifères, et le petit est donc d’abord nourri au lait maternel. Mais, boire sous l’eau est un sacré défi! Ajoutez à cela l’absence de lèvres, puis le fait que les mamelles soient cachées dans des fentes, voilà qui complique encore plus les choses. Heureusement, l’évolution a rendu le lait maternel plus solide, ayant presque la consistance du yogourt, et très riche en gras (de 13 à 53% selon les espèces). Ce qu’on savait déjà, c’est que les veaux n’ont pas les muscles buccaux nécessaires pour téter. La mère éjecte donc le lait dans la bouche du petit. Pour le cachalot, il semble que l’étroite mâchoire inférieure puisse aussi aider à attraper le lait efficacement. Dans la vidéo, on peut voir le petit insérer le bout de sa mâchoire dans la fente. Ces images inédites démontrent encore une fois la beauté et l’ingéniosité de la nature!

Pour en savoir plus sur l’allaitement et la relation mère-baleineau, plongez ici.

Porter le deuil

Dans le premier épisode de la série, une mère épaulard porte son veau mort sur sa tête. Chez les animaux, le terme «comportement épimélétique» est utilisé pour parler de ce type d’interaction qui démontre un fort attachement à un congénère décédé. Des bélugas ont déjà été vus dans le Saint-Laurent adoptant ce type de comportement. Le deuil présumé peut durer de quelques heures, à quelques jours, voire à quelques semaines, comme ce fut le cas de J-35, une femelle épaulard ayant maintenu à la surface son veau mort-né durant 17 jours!

Pour approfondir ce sujet, c’est par là.

Dormir debout

Qu’est-ce qu’ils sont impressionnants, ces longs cachalots dormant debout! Le sommeil à la verticale n’a été documenté que chez les cachalots. Les autres espèces de baleines sont réputées dormir près de la surface, afin de pouvoir remonter à la surface facilement pour respirer. On parle alors de «billotage», puisque leur gros corps flottant à la surface rappelle les billots de bois sur l’eau. Récemment, une balise munie d’une caméra sur le dos d’un rorqual à bosse a permis de changer un peu la perspective. La caméra a filmé trois rorquals à bosse dormant sous l’eau, n’effleurant la surface qu’à l’occasion d’une courte expiration et inspiration. Leurs corps étaient bien à l’horizontale, par contre.

Pour en savoir plus sur le sommeil, ronflez ici.

Et maintenant, que faire pour les aider?

Dans le Saint-Laurent comme ailleurs, les baleines font face à de nombreuses menaces, plusieurs naturelles, mais malheureusement, beaucoup d’origines humaines. Une série documentaire comme Les secrets des baleines permet de trouver l’énergie et la force pour effectuer les compromis nécessaires dans notre quotidien afin de mieux cohabiter avec les cétacés, mieux prendre soin de notre environnement et mieux transmettre nos convictions aux décideurs et entreprises.

Pour trouver des gestes à votre portée, commencez ici.

D’autres questions surgissent après l’écoute de la série? N’hésitez pas à nous écrire pour nous les poser.

Actualité - 22/4/2021

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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