Les épaulards ne sont pas tous pareils! Saviez-vous qu’il existe actuellement une dizaine de sous-espèces différentes? Les épaulards donnent du fil à retordre aux scientifiques en termes d’identification. Pour mettre le tout au clair, Baleines en direct vous a préparé un résumé des dernières avancées.

Écotype, sous-espèce, sous-population… bien difficile de classer les animaux!

De nombreux facteurs permettent à chaque écotype d’épaulard de rester distinct. La principale raison est l’isolement reproductif. Les épaulards des différentes régions se nourrissent d’aliments différents, communiquent dans des langues différentes, n’interagissent qu’entre eux et ont même évolué en groupes distincts qui jouent des rôles différents dans l’écosystème.  De nombreux écotypes sont même subdivisés en sous-populations! 

Les écotypes existent chez plusieurs espèces qui sont aussi parfois appelées sous-espèces. Les scientifiques utilisent ce terme lorsque le groupe ou la population est génétiquement adapté à son milieu. Même si on les déplace, les animaux d’une sous-espèce garderont leurs traits distinctifs. 

Il est souvent difficile de tracer la ligne entre l’écotype et l’espèce. En biologie, il n’y a pas de définition claire de ce que c’est une espèce. La définition la plus communément admise est qu’une espèce est un groupe d’individus qui se ressemblent et qui peuvent produire une progéniture fertile en milieux naturels. Par contre, il y a toujours des exceptions, comme certaines espèces d’oiseaux qui semblent différentes, mais qui peuvent se reproduire entre eux (morphotypes). Lorsque des barrières géographiques empêchent certains groupes de se reproduire, sont-ils considérés comme des espèces distinctes? Puisqu’il n’existe pas de définitions satisfaisantes, il est donc difficile de déterminer à partir de quel moment une sous-espèce devient une espèce distincte. Pour les épaulards, il existe encore des débats sur le nombre d’écotypes qui existent actuellement. Avec le temps, les écotypes deviendront peut-être tous des espèces différentes, ou peut-être le sont-elles déjà.

Des milliers d’années d’évolution

La Terre est en constante évolution. Quand un nouvel habitat devient disponible, la spéciation — lorsque deux populations deviennent des espèces différentes — se produit. Les ancêtres des épaulards modernes se sont adaptés à ces différents habitats et se sont spécialisés pour tirer le meilleur bénéfice de ceux-ci. Bien que les écotypes se ressemblent à première vue, certaines caractéristiques précises les rendent très différents, tant en termes de forme que de fonction. 

Une étude comparant cinq écotypes a révélé que les différentes populations d’épaulards ont commencé à diverger il y a environ 250 000 ans. La première à diverger a été l’épaulard migratoire du Pacifique Nord, aussi appelé l’épaulard de Bigg. Celui-ci possède le génome le plus distinct. L’épaulard résident a suivi, tandis que les trois écotypes de l’Antarctique présentent encore des signes de parenté récente. L’article décrit également que l’isolement reproductif — l’incapacité d’une espèce à se reproduire avec des espèces apparentées en raison de barrières ou de différences géographiques, comportementales, génétiques ou physiologiques — s’est rapidement installé après la formation d’un nouvel écotype. Les différents écotypes deviennent ainsi encore plus distincts sur le plan génétique. 

Dans une étude antérieure, les scientifiques affirment que le groupe migratoire dans le Pacifique Nord s’est séparé il y a ∼700 000 ans, ce qui serait beaucoup plus tôt que l’étude précédente mentionnée. Cette date est plus généralement acceptée, mais plusieurs études proposent que la divergence se soit produite entre 700 000 et 350 000 ans. Un événement de diversification secondaire sera produit entre les espèces de l’Antarctique et de l’Atlantique. Les auteurs et auteures expliquent que les espèces atlantiques (Type 1 et 2) sont plus étroitement liées entre elles qu’avec les espèces antarctiques (ceux dans l’hémisphère Sud). 

Au sein des espèces antarctiques, le type 1 a divergé plus tôt, et les espèces résidentes et haute mer partagent l’ancêtre commun le plus récent. Cet article, ainsi que d’autres plus récents, soutient en outre qu’en raison de leurs fortes différences génétiques, les écotypes migratoires (Bigg’s), et les résidents du Pacifique méritent le statut d’espèces, soit le Orcinus rectipinnus et Orcinus ater respectivement.

S’adapter pour manger

Les épaulards, occupant des habitats très variés, ont dû s’adapter à leur environnement et ont évolué pour se nourrir de différentes proies. Certaines espèces, comme l’épaulard de Bigg, se nourrissent uniquement de mammifères marins. D’autres ne se nourrissent que de poissons alors que certaines espèces sont des généralistes et mangent tout ce qu’ils peuvent trouver. Malgré leurs différences alimentaires, les épaulards sont indéniablement des prédateurs de premier plan et jouent un rôle clé dans leur écosystème. Ils veillent à l’équilibre de la chaîne alimentaire, et la disparition de cette espèce aurait d’énormes répercussions sur le reste du système.

De nombreuses populations ont des techniques de chasse spécialisées qui sont propres à leurs besoins et à leur situation géographique. Par exemple, le wave washing, une technique par laquelle les épaulards chassent en meute et créent des vagues pour faire tomber les phoques dans l’eau, a été observé à de nombreuses reprises chez les épaulards de l’Antarctique. Un autre exemple d’alimentation spécialisée découvert plus récemment décrit que les épaulards migrateurs entourent leur proie et la frappe à tour de rôle. S’il s’agit d’une petite proie, comme une otarie ou différents phoques, les épaulards peuvent la lancer en l’air, la secouer par les nageoires, et la noyer. Une fois la victime morte, ils partagent leur butin. Pour les proies plus importantes, comme les baleineaux des baleines grises, la matriarche dirige le groupe pour séparer la mère de son baleineau avant de le frapper, de la mordre et de le noyer. Les épaulards ont autant de proies différentes qu’il existe de techniques de chasse.

Saviez-vous que...

Outre les humains, les épaulards sont l’une des rares espèces à connaître la ménopause. Les bélugas, les globicéphales noirs et certaines espèces de chimpanzés font également partie de ce groupe exclusif. Il est très rare que les femelles vivent au-delà de leurs années de reproduction, mais pour celles qui le font, on suppose qu’elles assument un nouveau rôle. Selon la théorie actuelle, les femelles ménopausées joueraient le rôle de grands-mères qui aident les jeunes générations à survivre. Ces individus sont les matriarches du groupe. Chez les épaulards, ce rôle peut prendre la forme d’une protection des jeunes, d’un enseignement des techniques de chasse, d’un guidage du groupe vers des lieux sûrs et d’une recherche de nourriture.

La culture se transmet

La plupart des épaulards vivent dans des sociétés matrilinéaires. En règle générale, un groupe se compose d’une matriarche et de ses descendants, ce qui forme une véritable famille. Les membres du groupe dépendent de la sagesse de la matriarche pour trouver de la nourriture, pour se protéger et pour apprendre des traits nouveaux ou importants pour leur survie. C’est par l’intermédiaire des matriarches que la culture, soit les techniques de chasse et le langage, est transmise. 

Les épaulards produisent toute une gamme de sons, notamment des clics, des sifflements et des sons pulsés. Les répertoires d’appels des épaulards varient d’un groupe à l’autre. Il existe des dialectes spécifiques au groupe, ou des accents partagés par les membres du groupe. Les similitudes entre les groupes dépendent de la parenté plutôt que de la proximité. Les jeunes épaulards apprennent à vocaliser en imitant leur mère et leurs fratries. Ils peuvent également apprendre certains cris des groupes voisins. Les dialectes servent de moyen d’identification et permettent d’éviter la consanguinité. 

Épaulards résidents du sud

Il existe deux communautés d’épaulards résidentes en Colombie-Britannique, les résidentes du nord et les résidentes du sud. Avec moins de 75 individus restants, selon un recensement effectué en décembre 2023, les épaulards résidents du sud sont menacés d’extinction. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a désigné l’espèce comme étant en voie de disparition depuis 2001. La Loi sur les espèces en péril a inscrit l’espèce sur la liste des espèces en voie de disparition de l’annexe 1 (c’est-à-dire les espèces disparues du pays, en voie de disparition, menacées et préoccupantes) depuis 2003. Les principales menaces qui pèsent sur l’espèce sont les contaminants présents dans son environnement naturel, la diminution de la disponibilité du saumon royal (sa principale proie) et les perturbations physiques et acoustiques. 

Il existe trois groupes d’épaulards résidents du sud (J, K et L) qui sont parfois subdivisés en sous-groupes centrés sur la femelle la plus âgée. Comme il ne reste plus beaucoup d’individus, presque tous ont reçu un numéro d’identification et un nom. Afin de protéger ces groupes, le gouvernement canadien a identifié les habitats critiques de l’épaulard résident du sud et a proposé de les étendre. Certaines lois et réglementations, telles que les zones de limitation de vitesse, les zones sanctuaires, les fermetures de pêcheries et les exigences en matière de distance, sont en place pour protéger l’espèce de l’extinction.

Actualité - 31/7/2024

Yael Medav

Yael Medav est une rédactrice au GREMM depuis le début de la saison 2024. Elle vient de finir son baccalauréat en biologie de la faune à l’université de McGill. Elle est fascinée par les baleines et espère voir une baleine noire cet été!

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