Plus de 3000 bélugas, dauphins et épaulards nagent en captivité dans le monde. Ils vivent dans des conditions inappropriées à leurs besoins, leurs liens sociaux, et leur intelligence. Le Whale Sanctuary Project apporte une solution à cet enjeu, pour redonner un certain degré de liberté à ces baleines.
Localisé en Nouvelle-Écosse, le Whale Sanctuary Project (WSP) est en cours de réalisation et vise à la création d’un sanctuaire pour cétacés. L’objectif étant d’accueillir des épaulards et des bélugas ayant vécu en captivité et qui ne peuvent pas être réhabilités, afin de leur permettre de vivre dans un habitat naturel adapté et offrant des conditions de bien-être optimales!
Nous vous partageons ici un résumé de notre rencontre avec M. Charles Vinick, le directeur exécutif du projet, engagé dans la communauté environnementale et océanique depuis plus de 50 ans.
Portrait d’un passionné
M. Vinick semble impliqué depuis toujours dans le monde de la protection environnementale. Ayant travaillé aux côtés de l’organisation Cousteau durant 30 ans, il a pu participer à plusieurs projets dont la création du Parc Océanique Cousteau, un concept technologique inédit pour l’époque qui permettait de faire découvrir le monde sous-marin au public, sans l’utilisation d’animaux en captivité. Ces années inspirantes l’ont sensibilisé à l’importance de la protection des océans et de l’écologie à l’échelle mondiale.
Plus tard, il sera confronté au rôle des cétacés en captivité et des interactions imposées à un épaulard dans un parc marin d’attractions en Australie. Cette expérience marquante influencera sa vision de la captivité des mammifères marins et de l’industrie des parcs marins.
Dans les années 90, il se joindra à l’équipe motivée à entreprendre des actions en vue de la remise en liberté de l’épaulard captif « Keiko », vedette grâce à ses prouesses dans le film à succès « Sauvez Willy ». Malgré beaucoup d’efforts et des interventions concertées, cette démarche complexe échouera. Après sa réintroduction complète en mer en 2002, Keiko n’intégrera jamais un groupe d’épaulards et se fera nourrir par les navires de pêche. Il ne survivra malheureusement qu’un an et mourra des suites d’une maladie respiratoire. Le bilan de cette expérience permettra à M. Vinick de réaliser que la remise en liberté complète d’un mammifère marin ayant vécu en captivité est extrêmement difficile. Cette expérience deviendra donc la source d’inspiration du projet de sanctuaire.
Le projet: The Whale Sanctuary Project
Le Whale Sanctuary Project (WSP) est une organisation à but non lucratif dont la transparence et les actions visent le bien-être des mammifères marins. L’objectif du projet de sanctuaire sera d’accueillir des mammifères marins, qui résidaient dans des parcs artificiels, et de leur assurer des conditions de vie optimales. Celles-ci doivent être adaptées à leurs besoins et répondre à des standards qui sont produits en collaboration, adoptées et publiées par la GFAS (Global Federation of Animal Sanctuaries). La priorité est donnée aux épaulards et aux bélugas qui, selon M. Vinick, subissent le plus les impacts négatifs de la captivité en petits bassins dus à leur grande taille et leurs comportements hautement grégaires.
Le sanctuaire sera localisé à Port Hillford Bay, en Nouvelle-Écosse. Intégré dans une baie peu utilisée par les locaux et connectée à l’océan Atlantique, le sanctuaire est composé d’un bassin naturel délimité par des filets.
Son fond naturel offre un meilleur environnement de vie. Il est 150% de fois plus vaste que le plus grand des bassins aquatiques d’amusement, où sont gardés captifs de nombreux bélugas, dauphins et épaulards. Les cétacés pourront ressentir le vent et les vagues, chasser les oiseaux, et même les crabes et les poissons dans un milieu naturel.
C’est le plus proche de la nature qu’ils pourront être, tout en étant surveillés par des vétérinaires. Puisqu’ils ont été nourris toute leur vie de poissons surgelés, ils auront encore besoin de soins humains, en espérant pouvoir leur donner plus d’autonomie avec le temps. Le projet inclut aussi 30 acres de terrain, où seront construits les bâtiments nécessaires aux intervenants et intervenantes qui assureront les soins animaux et la gestion du sanctuaire.
Un centre des visiteurs et visiteuses existe déjà sur la colline qui surplombe le site, mais les gens n’auront pas d’accès aux bassins. La raison étant que le sanctuaire vise à encourager l’autonomie des cétacés, et non pas de les déranger et de continuer à les habituer aux humains. Le bien-être des animaux reste au centre de l’approche de conservation du sanctuaire.
L’un des aspects intéressants de ce projet est qu’il se réalise en consultation avec la population locale afin de favoriser l’intégration du site dans la communauté sur le long terme. Selon Vinick, il est primordial que la communauté voie ce sanctuaire comme « leur » sanctuaire, et non comme un projet qui leur est imposé. Des compromis ont d’ailleurs été faits par quelques pêcheurs pour la mise en place du bassin, et le sanctuaire offrira aussi des opportunités d’emplois.
Derniers développements
Depuis 2020, et dans l’objectif de caractériser complètement le site, plusieurs évaluations environnementales, quantitatives et qualitatives ont été réalisées et analysées par des scientifiques. Les résultats sont jusqu’à présent positifs !
La prochaine étape du projet est en cours pour remplir les conditions de l’offre de location avec le Ministère des ressources naturelles et renouvelables de la Nouvelle-Écosse et de Pêches et Océans Canada.
De futurs arrivants?
Depuis le 30 avril, le WSP est en discussion avec le gouvernement français pour planifier le transfert de deux épaulards, Wikie et Keijo, résidents du parc Marineland Antibes suite à la décision du pays d’interdire les spectacles incluant la participation des cétacés. Cette loi entrera en vigueur à partir de décembre 2026. Le sanctuaire a reçu le soutien d’écologistes et d’océanographes notables. Des adaptations du bassin aquatique ont donc été planifiées afin de les accueillir dès 2025.
En 2020, un sanctuaire en Islande accueillait deux bélugas provenant d’aquariums en Chine. Ces initiatives marquent-elles un changement dans la vision que nous avons des mammifères marins en captivité?