Chaque année, on retrouve et on récupère entre 15 et 20 carcasses de bélugas sur les rives du Saint-Laurent. Pourquoi sont-elles récupérées? Il faut remonter au 15 septembre 1982, il y a 40 ans, pour trouver la réponse à cette question. Ce jour-là, Daniel Martineau et Pierre Béland ont voulu comprendre la cause de la mortalité d’un béluga mâle de 4,10 mètres échoué à Pointe-au-Père.

Là où tout a commencé

Lors d’un congrès sur les sciences de la mer qui se tenait à Rimouski, les deux hommes quittent l’évènement pour se rendre à Pointe-au-Père examiner la carcasse du béluga. Daniel est vétérinaire de formation et Pierre écologiste. Ils notent que l’animal ne porte aucune trace de blessure. De quoi est-il donc mort? Ils décident d’ouvrir la carcasse pour élucider le mystère. C’est ainsi que le programme de récupération des carcasses de bélugas voit le jour, un peu par hasard. Le livre des morts fait référence au premier chapitre du livre « Les bélugas, ou, L’adieu aux baleines » écrit par Pierre Béland et publié en 1996. Dans ce premier chapitre, Pierre révèle son « livre des morts », un registre des bélugas retrouvés morts depuis l’automne 1982. Il raconte ses premières rencontres avec Daniel Martineau et comment l’étude des carcasses de bélugas a changé leur vie.

À cette époque, on s’inquiétait déjà du sort des bélugas. Protégés contre la chasse depuis 1979, leur population est placée sur la liste des espèces en péril en 1983. Le programme de récupération des carcasses qui se poursuit encore aujourd’hui est devenu la pierre angulaire d’un vaste projet de recherche qui tente encore et toujours de comprendre pourquoi la population de bélugas du Saint-Laurent ne se s’est pas rétablie depuis l’arrêt de la chasse.

Concrètement, les carcasses retrouvées en bon état sont acheminées à Saint-Hyacinthe, à la faculté de médecine de l’Université de Montréal pour une nécropsie complète. Les analyses révèlent alors plusieurs d’informations pertinentes sur la carcasse : l’espèce, le sexe, l’âge et la taille de l’animal ainsi que les causes de sa mort. Des chercheurs recueillent aussi des photos et des prélèvements pour en apprendre davantage sur la biologie, la toxicologie et l’alimentation des bélugas.

Pierre Béland

Pierre Béland complète des études doctorales et post-doctorales portant sur l’écologie des populations animales. C’est en tant que directeur du Centre de Recherche en Écologie des Pêches pour Pêches et Océans Canada, qu’il se rend sur le terrain pour témoigner de la fameuse carcasse du 15 septembre 1982. Cette rencontre a changé sa carrière. Cinq ans plus tard, Pierre quittera Pêches et Océans Canada pour former avec Daniel, Robert Michaud et Richard Sears, l’Institut national d’écotoxicologie du Saint-Laurent et se dévouer à l’étude et à la protection des bélugas et du Saint-Laurent.

Daniel Martineau

Vétérinaire en poste dans la région de Rimouski, Daniel Martineau a aussi pris un virage à 180 degrés ce jour-là. Il est retourné à l’école se spécialiser en pathologie et il deviendra professeur au Département de pathologie et de microbiologie vétérinaire de l’Université de Montréal. Il y dirigera le programme de nécropsie des bélugas et contribuera à la formation de sa relève, les Dr Sylvain DeGuise et Stéphane Lair. Stéphane est aujourd’hui le chercheur à la tête du programme.

Un modèle de persévérance et de collaboration

On célèbre aujourd’hui le 40e anniversaire du programme de récupération des carcasses de bélugas. Il s’agit du plus long programme de ce type au monde pour une espèce de mammifère marin. C’est aussi surtout un modèle de persévérance et de collaboration. Initié par deux passionnés, le programme a été supporté entre autres par Pêches et Océans Canada, Parcs Canada, le Fonds mondial pour la nature et les parrains de la campagne Adoptons un béluga. Il a entretenu d’innombrables collaborations et nourrit quelques centaines de publications scientifiques. Derrière cette incroyable aventure, deux infatigables techniciens, Richard Plante, pendant 15 ans, et Carl Guimont, pendant 25 ans, ont parcouru des dizaines de milliers de kilomètres sur les deux rives du Saint-Laurent de Gaspé ou Sept-Îles jusqu’à Saint-Hyacinthe pour livrer près de 300 carcasses aux soins des chercheurs. Depuis 2022, c’est le Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM) qui a pris leur relève pour récupérer les carcasses de bélugas.

Actualité - 15/9/2022

Marianne Houle

Marianne Houle est stagiaire à la rédaction au GREMM pour l’automne 2022. Étudiante au baccalauréat en études de l’environnement, elle cultive depuis son jeune âge une grande passion pour les animaux et le milieu aquatique. La vulgarisation et le journalisme scientifique sont pour elle des outils permettant de démocratiser la science.

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