«Le capelan roule en fou ici en Gaspésie, raconte une observatrice. On compte au minimum dix rorquals à bosse entre l’île Bonaventure et Percé, et autour du rocher. On les voit souffler par petits groupes de deux ou trois. Sans oublier de nombreux petits rorquals. C’est la manne! Et que dire des centaines de fous de Bassan qui plongent juste au bout du quai de Percé. Infatigables, ils se gavent de capelan toute la journée et la soirée. Ça n’arrête pas!». Après plusieurs mois de jeûne et une longue migration, les rorquals à bosse ont un appétit de géant. Comme le Saint-Laurent leur sert actuellement un festin de roi, autant en profiter!

Ce sont donc les baleines à bosse qui font frémir les observateurs dans le golfe, cette semaine. À Cloridorme, c’est un spectacle éclaboussant qui surprend une riveraine le 8 juin, vers midi. Au moins deux baleines à bosse s’ébattent au large de sa maison. À Longue-Pointe-de-Minguan, deux rorquals à bosse semblent avoir trouvé une bonne table, et écument les eaux depuis une semaine déjà, en compagnie de 3 ou 4 petits rorquals.

Dans la baie de Gaspé, une riveraine embarque le 8 juin pour une croisière d’observation aux baleines et revient ravie. Au menu de cette promenade en mer: deux petits rorquals en entrée, trois rorquals à bosse en plat principal, et comme cerise sur le gâteau, deux rorquals communs au long dos. Loin de se bourrer la face comme leurs voisines de Percé, les rorquals à bosse rencontrés sont en période de repos, dans une position que l’on nomme «billotage», pour leur ressemblance avec des billots de bois flottant à la surface. Il faut bien se reposer entre deux repas!

Un festin de lançons et harengs

Dans l’estuaire du Saint-Laurent, les grosses baleines manquent encore à l’appel. Outre le signalement d’un rorqual à bosse le vendredi 4 juin au large de Tadoussac, c’est le calme plat du côté des grands souffles. René Roy se désespère. Malgré plusieurs traversées entre Matane et Pointe-des-Monts et une excellente visibilité, le cétologue amateur n’aperçoit que quelques petits rorquals et une trentaine de marsouins. «En 20 ans d’observation sur l’eau, ça ne m’est jamais arrivé de ne pas voir de grand rorqual au mois de mai. Ça veut pas dire qu’il n’y en a pas, mais c’est quand même décevant et inquiétant de n’en croiser aucun», confie-t-il.

Pourtant, d’autres espèces se régalent dans les eaux de l’estuaire. À Baie-Comeau, les petits rorquals frôlent les quais dans une chasse effrénée au milieu des lançons frétillants. Bouche grande ouverte, ventre blanc tourné vers le ciel, c’est un ballet spectaculaire auquel assistent les riverains, comme dans cette vidéo.

Pendant ce temps, sur la rive sud, ce sont plutôt les bélugas qui festoient. Au printemps, le hareng vient frayer près des rives et on pense que cette manne alimentaire attire les cétacés blancs. Depuis la semaine dernière, les observateurs du Réseau d’observation de mammifères marins (ROMM) voient passer beaucoup de bélugas devant Rivière-du-Loup. Des petits groupes d’une dizaine d’individus, ou encore des paires mère-veau. À Cacouna, une observatrice a la chance d’assister à une scène ressemblant à du jeu entre une mère et son petit. Le 9 juin, c’est un béluga solitaire au dos déformé qui attire l’attention, au large de Rivière-du-Loup.

Les premières croisières d’observation des baleines s’élancent dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Le 6 juin, à bord d’un zodiac, Renaud Pintiaux photographie quelques petits rorquals et s’étonne de trouver en cette saison un troupeau d’une cinquantaine de phoques gris près du haut-fond Prince. Le même jour, sur le traversier qui relie Les Escoumins et Trois-Pistoles, les voyageurs ont le plaisir d’observer un petit rorqual, un marsouin commun et une dizaine de bélugas aux dos bien blancs.

Un narval et un cachalot ?

L’observation la plus intrigante nous vient de L‘Anse-à-Valleau, où un riverain croit avoir vu une baleine en difficulté, le 9 juin au matin. Il appelle immédiatement le Réseau québecois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) au 1 877 722-5346 pour la signaler. Grâce à sa description précise de la morphologie et du comportement de la baleine, la responsable du centre d’appels du Réseau lui explique qu’il s’agit possiblement d’un cachalot!

La morphologie de ce cétacé, ponctuellement observé dans le Saint-Laurent, peut surprendre même les observateurs avertis. Avec son immense crâne, le cachalot ressemble facilement à un billot de bois, et il ne sort pas le dos rond comme le font les rorquals. De plus, parce qu’une grande partie de son crâne est consacrée à l’écholocalisation, seule sa narine gauche est fonctionnelle, ce qui lui confère un étrange souffle oblique. Malheureusement, en l’absence de photographie, difficile d’affirmer qu’il s’agissait bien d’un cachalot.

Même difficulté lorsqu’une observatrice nous révèle ce qui pourrait être la première observation de l’année du narval du Saint-Laurent, au large d’Essipit, le 8 juin. «Est-ce possible que cet individu qui vit avec les bélugas du Saint-Laurent depuis 2016 se soit aventuré jusqu’ici?», interroge-t-elle. Sans preuve visuelle, difficile d’affirmer que ce dos tacheté et ce qui ressemble à une dent torsadée fendant les airs appartiennent bien à «notre» narval, mais sa présence dans cette portion de l’estuaire est tout à fait possible. Tout comme celle d’un cachalot dans les eaux de la Gaspésie.

 

Où sont les baleines cette semaine?

C’est le grand retour de la carte des observations de la semaine!

Cette carte permet de visualiser ce que nos collaborateurs et collaboratrices ont vu. Elle donne une idée de la présence des baleines mais ne représente pas un recensement systématique des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir, donc!

Cliquez sur les icônes de baleine ou de phoque pour découvrir l’espèce, le nombre d’individus, des informations supplémentaires ou des photos de l’observation. Pour agrandir la carte, cliquez sur l’icône du coin supérieur droit. La carte fonctionne bien sur Chrome et Firefox, mais pas aussi bien sur Safari.

Pour faire apparaitre la liste des observations, cliquez sur l’icône du coin supérieur gauche.

Observations de la semaine - 10/6/2021

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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