Un article paru dans les dernières semaines relate une interaction pour le moins inattendue entre deux rorquals à bosse mâles. En effet, la paire de mammifères marins a été prise en vidéo en train de s’accoupler. La scène en a surpris plus d’un!
Bien que ce genre de comportements ait déjà été observé entre deux individus de mêmes sexes dans le règne animal, ces deux rorquals à bosse ont beaucoup fait jaser! Étant relativement inconnue aux yeux du grand public, la vie sexuelle des cétacés se compose pourtant d’une multitude de comportements socio-sexuels utiles et variés servant notamment à résoudre un bon nombre de problèmes sociaux entre les individus.
Les comportements socio-sexuels, c’est quoi tout ça?
Les comportements socio-sexuels se présentent sous différents types d’interactions sexuelles impliquant un ou plusieurs individus. Des accolades pelviennes, l’exposition et le frottement d’érections et des parties génitales, la masturbation et la pénétration de la fente génitale en sont quelques exemples. Ils sont effectués non dans un objectif de reproduction, mais plutôt dans un contexte social. Aucune naissance ne découle de ces interactions.
Que ce soit en captivité ou dans la nature, il a été possible de répertorier des signes de comportements sexuels non reproducteurs chez 35 des 87 espèces de cétacés connues. Cette information est fournie dans l’ouvrage Sex in Cetaceans : Morphology, Behavior, and the Evolution of Sexual Strategies. Pourtant, ce nombre pourrait être sous-estimé, le sujet étant difficilement étudiable.
En effet, la plupart des cétacés, tel que le rorqual à bosse, ont une vie sexuelle assez discrète. De plus, une grande partie des comportements socio-sexuels répertoriés ont été observés chez des individus vivant en captivité.
Mélanger social et sexualité, pourquoi?
Les différentes fonctions des comportements socio-sexuels sont difficiles à identifier, mais plusieurs hypothèses ont tout de même été avancées. Une étude publiée dans le journal scientifique Marine Mammals Science aborde ces hypothèses. D’abord, les comportements sexuels non reproducteurs pourraient être utilisés afin d’exprimer une dominance. La dominance se définit par un rapport de puissance entre deux individus. Cette hypothèse pourrait expliquer l’accouplement entre les deux rorquals à bosse mâles, où l’un des deux, montait fermement l’autre, qui semblait présenter une blessure à la tête. Le cétacé dominant était donc la baleine pénétrant la fente génitale de l’individu plus maigre.
Autre que les démonstrations de dominance, les comportements socio-sexuels ont prouvé être utilisés pour développer et entretenir des alliances et des relations de longue durée entre individus, comme c’est le cas chez les grands dauphins. La vie sexuelle permet aussi chez plusieurs espèces une réduction de la tension sociale entre des individus d’un groupe.
Il arrive également que des juvéniles soient isolés par des mâles adultes qui vont pénétrer leur fente génitale. Cette interaction est perçue comme une forme de pratique et d’apprentissage pour des accouplements futurs. Ainsi, ils augmentent leurs chances de copulations qui, dans l’eau, sans bras et sans appui, tirent de l’exploit! Ce comportement a notamment été observé chez les bélugas du Saint-Laurent.
Tout le monde est inclus!
Les comportements socio-sexuels sont plus fréquemment observés chez les baleines à dents telles que les bélugas, les marsouins et les dauphins, mais sont aussi identifiables chez les rorquals. Ils sont souvent observés entre deux individus de même sexe, mais également de sexes opposés. De manière générale, les comportements sexuels non reproductifs sont moins subtiles et donc plus facilement étudiables chez les mâles. Néanmoins, les femelles de plusieurs espèces comme le grand dauphin (Tursiops truncatus) ont montré savoir participer à des jeux socio-sexuels tels que la masturbation. Les comportements socio-sexuels ne sont pas exclusivement réservés aux individus sexuellement matures, les juvéniles ainsi que les individus post-reproducteurs chez certaines espèces peuvent aussi faire partie des jeux!
Les bélugas, bonobos du Saint-Laurent
L’estuaire du Saint-Laurent nous offre de parfaits exemples de comportements socio-sexuels de cétacés à travers les bélugas. En effet, ces baleines blanches, dont la saison de reproduction est restreinte au printemps, entretiennent pourtant une vie sexuelle très active à longueur d’année. Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM, explique dans une entrevue aux Années Lumières, sur Radio-Canada, que la sexualité joue notamment un rôle très important dans la création d’alliances chez les mâles.
Il élabore également sur le fait que le développement de ces liens fidèles entre mâles semble se faire à travers des contacts physiques, mais aussi sexuels. Les érections sont très fréquentes chez les juvéniles, qui n’hésitent pas à se frotter entre eux, un phénomène que l’on retrouve chez plusieurs autres cétacés.
Tous ces jeux sexuels ont pu être observés grâce à l’utilisation de drones. Un moyen subtil, moderne et efficace d’étudier les comportements complexes des cétacés du Saint-Laurent sans pour autant perturber leur quotidien!