«Je n’ai jamais vu autant de phoques de ce côté-ci de la pointe gaspésienne», s’étonne une observatrice postée à Cap-des-Rosiers, en Gaspésie. Sur des kilomètres de Saint-Laurent, elle voit des phoques dériver sur les glaces flottantes le 29 janvier. Les animaux sont à trop grande distance pour en identifier l’espèce, mais à cette période de l’année, il y a de bonnes chances que ce soit des phoques du Groenland.
Cette espèce visite le Saint-Laurent durant l’hiver. Particulièrement sociale, elle forme à cette période des mouvées pouvant compter des milliers d’individus. Lorsqu’il se déplace dans l’eau, le phoque du Groenland adopte parfois une nage sur le dos. Il est le seul pinnipède à nager ainsi. Sur les glaces, il se couche sur le côté ou sur le ventre et profite du soleil pour se chauffer la fourrure.
Le 31 janvier, du côté de Pointe-Saint-Pierre, de l’autre côté de la péninsule gaspésienne, des milliers de phoques dérivent sur une plaque de glace. L’observatrice les observe d’abord aux jumelles, puis au télescope pour mieux admirer les robes des phoques. La plupart semblent appartenir à l’espèce du phoque du Groenland, mais certains ont un pelage plutôt gris, avec des mouchetures. Des phoques gris? Voilà une bonne question, difficile à résoudre sans photo.
En fait, même avec de bonnes photos, l’identification des espèces de phoque n’est pas facile. Tous les phoques verront la coloration de leur pelage évoluer au fil des mues et des âges. Par exemple, le petit du phoque du Groenland et celui du phoque gris naitront avec un pelage blanc, appelé lanugo. Pour différencier les deux espèces visuellement, la forme du museau aidera.
Le lanugo évoluera de jour en jour et différemment pour les deux espèces. Le phoque du Groenland a, selon les chercheurs, huit étapes de variation avant d’avoir un patron de coloration adulte autour de ses quatre ans. Chez le phoque gris, le pelage variera surtout dans les premières semaines, et le jeune aura son pelage d’adulte autour de l’âge d’un an. Pour ces deux espèces, le pelage sera moucheté de taches durant un certain temps.
Le 1er février, à Gallix, sur la Côte-Nord, des phoques plongent entre les glaces tandis que d’autres s’y reposent. Ceux qui plongent s’alimentent probablement. Les phoques du Groenland ne font pas la fine bouche lorsque vient le temps de manger. L’étude des contenus de leur système digestif a permis de dénombrer pas moins de 120 espèces de poissons ou d’invertébrés! Chez un seul individu, les chercheurs ont déjà noté 60 espèces différentes encore présentes dans le système digestif, et donc mangées peu de temps avant la mort.
Le 4 février, une quatre-vingtaine de phoques du Groenland profitent d’une glace nouvellement formée au large des Escoumins, en Haute-Côte-Nord. Pour le moment, la population de phoque du Groenland qui fréquente le Saint-Laurent semble en bonne santé et compte quelques millions d’individus. Par contre, la perte des glaces pourrait nuire à la reproduction et à la survie des petits.