En temps normal, les spécialistes des baleines du Saint-Laurent auraient déjà commencé leurs recherches depuis un bon moment. Cependant, la crise provoquée par la COVID-19 les a forcés à revoir leurs plans pour l’été. Au lieu de débuter la saison en mer afin d’étudier les mammifères marins comme prévu au début juin, ils sont plutôt demeurés pour la plupart dans leur bureau à mettre en place des mesures de télétravail et à réviser leurs échéanciers. Presque tous les aspects de la réalisation de leurs travaux ont été touchés par la crise sanitaire. Pour mieux comprendre les embuches avec lesquelles ils ont dû composer, l’équipe de Baleines en direct s’est entretenue avec trois chercheurs: Dany Zbinden, directeur du Mériscope, Anik Boileau, directrice du Centre d’éducation et de recherche de Sept-Îles (CERSI), et Robert Michaud, président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).

Des projets reportés ou modifiés

Les nouvelles mesures de santé publique ont forcé les chercheurs à reporter ou à réduire l’ampleur de certaines de leurs activités de recherche. Ils ont ainsi priorisé celles effectuées dans le cadre de projets à long terme ou pour lesquelles une interruption créerait une rupture dans la continuité des données. Dany Zbinden maintiendra donc cet été le suivi de petits rorquals qu’il réalise depuis plus de 20 ans. Le protocole habituel sera respecté, mais il se réalisera à l’aide d’une équipe réduite et commencera en aout.

Les projets qui nécessitent une équipe nombreuse ont pour leur part tous été reportés. La distanciation sociale sur les embarcations est un problème majeur, mais il est loin d’être le seul. «Il faut aussi considérer que les assistants de recherche doivent être hébergés et avoir un poste de travail. Il y a un manque d’espace physique au GREMM», explique Robert Michaud. Plusieurs projets ont alors été remis à l’an prochain. C’est notamment le cas d’un programme d’étude du répertoire acoustique des bélugas, mené par Ocean Wise en collaboration avec le GREMM, et du développement d’une balise sans ventouses au Mériscope.

De nombreux ajustements

Pour le directeur du GREMM, la mise en pause et l’installation du télétravail ont demandé un effort substantiel, ce qui a considérablement ralenti les travaux. Certaines dates de départ sur le terrain ont aussi été retardées en raison de la difficulté d’obtenir des permis de recherche. Au CERSI, les chercheuses ont dû composer avec un délai supplémentaire de trois semaines pour obtenir l’approbation des instances pour la collecte de données. L’équipe sera néanmoins en mesure de respecter l’échéancier, mais seulement si les laboratoires demeurent ouverts. Elles ont également dû réaliser leurs travaux sans l’aide habituelle des nombreux bénévoles. Comme si cela n’était pas assez, les délais causés par les services de la poste les forcent à transporter elles-mêmes leurs échantillons de Sept-Îles à Montréal. Il en résulte donc des journées épuisantes pour la petite équipe, mais «c’est mieux que de tout annuler», déclare Anik Boileau. Du côté du Mériscope, l’équipe rentabilise le temps qui devait être consacré aux projets reportés en réalisant ceux prévus pour les années à venir, tels que la refonte du site web de l’organisation.

Tous les chercheurs ont adapté leurs techniques de travail pour se conformer aux mesures sanitaires. Ainsi, chacun se doit de respecter les deux mètres de distance règlementaire, une tâche bien difficile dans une minuscule embarcation. Bien entendu, le matériel de protection est de mise!

L’impact sur la recherche

Les retards dans la réalisation des projets de recherche n’y mettront pas terme. Toutefois, puisqu’il a été impossible pour certains d’entre eux de collecter autant de données qu’habituellement, cela aura un impact non négligeable. «On ne pourra pas se rattraper», déplore Dany Zbinden. «C’est un mois et demi de moins de terrain et cela se reflètera dans les données.»

Robert Michaud, qui supervise également le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM), partage les mêmes préoccupations. Le Réseau fournit des données pour plusieurs projets de recherche, mais le confinement et les interventions limitées ont entrainé un faible nombre d’échantillonnages de carcasse d’avril à juillet.

Des difficultés financières

Le déroulement des projets de recherche est fortement dépendant du financement qu’ils obtiennent. Au GREMM, une part importante des revenus est générée par le Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM) et sa boutique. L’ouverture du Centre ayant été retardée de deux mois, le budget pour la recherche en souffre. Pour ne pas mettre en péril les activités de recherche, l’équipe a accepté une réduction d’heures de travail et de salaire. «On va rentrer dans une période critique. C’est une inquiétude réelle, le financement de certaines activités du GREMM. Il faudra faire preuve de créativité et d’originalité pour les prochaines années», souligne le directeur du GREMM. Au CERSI, plusieurs demandes de subvention ont été retardées et demeurent sans réponse pour l’été. «Faut y aller avec les moyens du bord, on gratte nos sous», affirme Anik Boileau.

Les trois chercheurs ont évoqué les mêmes difficultés. Tous ont dû conjuguer l’application des mesures de sécurité avec le maintien de la qualité du suivi des données. Cependant, ils ont confiance de poursuivre leurs projets dans les années à venir. Pour soutenir la recherche scientifique, n’hésitez pas à faire un don. Vous contribuerez ainsi à mieux connaitre les baleines du Saint-Laurent afin de mieux les protéger.

Don – GREMM | Don – Mériscope | Don – CERSI

Actualité - 27/7/2020

Sarah Boureghda

Sarah Boureghda a rejoint l'équipe de Baleines en direct à l'été 2020 en tant que naturaliste-rédactrice. Étudiante en biologie et en création littéraire, elle se passionne par tout ce qui touche à la nature et à l'environnement. Elle a à cœur de sensibiliser la population aux enjeux qui concernent la survie des populations de mammifères marins.

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