La migration est bel et bien entamée dans le golfe Saint-Laurent et bat son plein sur la pointe gaspésienne. Les rorquals à bosse et les communs sont nombreux, mais les baleines bleues, elles, semblent trainer de la caudale.
Je reviens d’un séjour de cinq jours en Gaspésie avec pour objectif la photo-identification d’un maximum d’individus, et pendant lequel j’ai été limité à une vingtaine d’heures sur l’eau. La météo n’a pas été favorable, les vents ont été soutenus et la pluie s’en est mêlée.
Ma saison a commencé par quatre sorties à la porte de l’estuaire entre le 6 mai et le 6 juin, qui ne m’ont pas permis de rencontrer un seul grand rorqual. Il s’agit d’une situation exceptionnelle par rapport à toutes les saisons passées, où j’observe normalement quelques rorquals bleus et communs dans ce secteur.
Le 15 juin, je décide donc d’aller patrouiller la pointe gaspésienne, puisque c’est toujours sensiblement à cette date que se déroule la migration annuelle des grands rorquals. La pointe de la Gaspésie est un passage obligé pour les baleines qui se dirigent vers l’estuaire et le secteur nord-ouest du golfe.
L’abondance de capelans en cette période attire les rorquals à bosse et communs près de la côte. La couleur brunâtre observée lors de leur défécation ne laisse aucun doute sur leur nourriture riche en poissons. Des fèces rougeâtres dénoteraient plutôt une alimentation riche en krill, mais ce n’est pas ce que je vois.
En général, je constate que les populations de ces deux espèces de rorqual sont de plus en plus composées de jeunes animaux, assez petits, et non identifiés. Ces individus sont de ce fait beaucoup plus enjoués. On rencontre aussi de plus en plus de mères avec un baleineau. C’est une observation que je fais depuis les 3 dernières années, mais elle m’a semblé encore plus évidente lors de cette dernière excursion. Il semble qu’il y ait un renouvellement de la population et un meilleur taux de fécondité, particulièrement chez le rorqual à bosse.
J’ai donc pu documenter une vingtaine de rorquals à bosse et seulement sept rorquals communs malgré leur nombre beaucoup plus grand. Ces derniers sont plus difficiles à suivre compte tenu de leur vitesse et de la difficulté à photographier le chevron avant, particulièrement lorsque la mer est agitée.
La dernière journée d’excursion en mer m’a permis de rencontrer quelques «Famous» ou «Old ladies», comme les scientifiques les appellent. De grosses et vieilles femelles rorquals à bosse bien connues comme Bolt (H102), Fleuret (H009) et Irisept (H492). Je les revois toujours avec très grand plaisir. Elles me sont apparues énormes par rapport aux autres migratrices.
(Ci-dessus, de gauche à droite: H102 Bolt © René Roy. H009 Fleuret © René Roy et H492 Irisept © René Roy.)
J’ai aussi pu revoir H878, qui est le veau de Tracks (H109), né en 2017. Je l’avais déjà observée le premier juillet 2018, alors qu’elle était encore baleineau. Cette jeune femelle portait cette année une grosse cicatrice d’une blessure occasionnée par une hélice de bateau. Elle semble bien portante, elle a maintenant 4 ans et a donc possiblement atteint sa maturité sexuelle.
Les rorquals bleus se font toujours attendre, probablement à cause des courants non favorables pour l’apport de krill, dont ils se nourrissent exclusivement. Nous devrions les revoir très bientôt. Contrairement aux autres grands rorquals, les baleines bleues sont plus solitaires et n’aiment pas partager leur aire d’alimentation.
À la prochaine sortie, très bientôt.
(Toutes les photos présentées dans ce carnet de terrain ont été prises dans le cadre d’une mission de photo-identification sous le permis numéro QUE-LEP-004-2021.)