Une équipe de recherche canado-états-uniennes a entrepris d’étudier les champignons et bactéries trouvées dans le souffle des épaulards résidents du sud (aussi appelée orques) de la côte Ouest. La découverte de multiples bactéries habituellement trouvées chez les humains, dont certaines résistantes aux antibiotiques, suggère que les déchets liées aux eaux usées contaminent l’environnement marin.
Intitulée «Respiratory Microbiome of Endangered Southern Resident Killer Whales and Microbiota of Surrounding Sea Surface Microlayer in the Eastern North Pacific», l’étude s’est penchée sur 26 échantillons de souffle d’épaulards près des iles de San Juan, dans la mer des Salish, au large de la Colombie-Britannique et de l’État de Washington. Chaque échantillon était comparé avec de l’eau de surface (la première couche d’1mm), une exhalation humaine d’une personne à bord du bateau de recherche et une prise d’air ambiant.
Bien que l’orque, en général, ne soit pas une espèce considérée comme en danger d’extinction, la population d’épaulards résidentes du sud est considérée comme en danger : il ne resterait plus que 78 individus lors du recensement de décembre 2016. Baisse de la proie principale, le saumon chinook; augmentation du trafic maritime et de loisir; contamination des proies et de l’eau dans laquelle ils vivent; voilà toutes de possibles menaces pour eux.
Des chercheurs de l’Université de Victoria, de l’Université de la Colombie-Britannique, du ministère de l’Agriculture et de la santé animale de la Colombie-Britannique, de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et de la National Marine Mammal Foundation ont collaboré à l’étude.
En entrevue avec le National Geographic, Linda Rhodes, une toxicologiste et biologiste moléculaire de la NOAA affirme :
«Nous avons été très surpris par certaines bactéries trouvées. Si elles venaient de notre souffle, un docteur n’y verrait pas un bon signe.»
De la salmonella, une bactérie bien connue pour les intoxications alimentaires sévères qu’elle peut causer, du staphylococcus, une bactérie de peau qui cause des éruptions cutanées chez l’humain, mais qui peut se transformer en pneumonie si inhalée et des champignons pouvant causer de graves maladies chez l’humain et chez certains animaux ont été trouvés dans leur expiration. Cela ne signifie pas nécessairement que les baleines soient malades, mais plutôt que si elles ont une faiblesse immunitaire, elles sont plus à risque de développer des maladies respiratoires et d’en mourir.
Comment se sont retrouvés ces bactéries et champignons jusque là? Une hypothèse provient de la proximité avec la ville de Victoria, en Colombie-Britannique, qui renvoie ses eaux usées directement dans la mer des Salish, sans traitement particulier.
Pour effectuer la recherche, l’équipe à bord des bateaux a utilisé de longues perches de 25 pieds (7,62 mètres) munies de boites de Petri, des boites cylindriques en verre servant à étudier les microorganismes. Cette technique n’a pas permis de collecter autant de souffle que prévu : s’approcher suffisamment des individus pour prendre l’échantillon et aligner les plaquettes pour collecter le souffle représente un grand défi. Avec l’arrivée des drones, la collecte pourrait devenir bien plus facile.
De nouvelles techniques
Ocean Alliance SnotBot Programme de We Breathe Productions sur Vimeo
L’Ocean Alliance, un groupe de recherche et d’éducation sur les baleines installé dans le Maine, a créé un outil peu couteux et non intrusif pour étudier les précieuses données contenues dans le souffle des baleines. Le SnotBot (Snot=mucus, Bot=robot) est en fait un drone adapté à l’échantillonnage des souffles qui filme tout en captant sur quatre boites de Petri ou sur des éponges le précieux mucus. Jusqu’à présent, les analyses ont permis de déceler de l’ADN, des cétones, des hormones (entre autres pour déterminer si l’animal est gestante) et des microbiomes contenus dans le souffle. L’équipe a pu tester son nouvel outil sur des baleines franches australes, des baleines bleues et des rorquals à bosse. Une autre institution du Maine utilise le drone pour collecter des échantillons de souffle, le Woods Hole Oceanographic Institution.
Du côté du parc marin Saguenay-Saint-Laurent, la recherche par drone étudie surtout les comportements des bélugas. Impossible de collecter le souffle de ces petites baleines par drone. Michel Moisan, le technicien en chef du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), explique : «Si le drone vient trop près des bélugas, moins de 10 mètres, ils l’entendent. Puisque les bélugas sont curieux et ont la capacité de tourner la tête, ils se tournent pour voir d’où vient le son et fuient».