Tandis que le nombre de paires d’yeux rivés vers l’eau diminue, le nombre d’observations rapportées diminue aussi. Y a-t-il moins de baleines?

Un recenseur d’oiseaux posté tous les jours aux dunes de Tadoussac ne voit plus de rorquals communs depuis quelques jours et presque plus de petits rorquals. «Il reste quelques rorquals à bosse», constate-t-il. Il note aussi des groupes de bélugas. Sont-ce les mêmes qui passent presque tous les jours devant le Centre d’interprétation des mammifères marins? C’est possible.

Aux Escoumins, les travailleurs au quai des pilotes vivent une situation similaire. «Il ne reste plus rien devant le quai!», s’exclame un employé. Ses collègues sur les bateaux croisent encore quelques baleines au large, mais plus rien près du rivage. La migration vers les quartiers d’hiver semble avoir commencé.

Les baleines viennent s’alimenter dans le Saint-Laurent. Pour certaines, elles resteront quelques jours, d’autres quelques semaines voire tout l’été. Puis, à l’exception du béluga du Saint-Laurent qui vit ici toute l’année, les baleines repartiront vers leurs quartiers d’hiver. Dans le cas des baleines à fanons, qui jeunent généralement tout l’hiver, l’alimentation estivale est particulièrement importante pour emmagasiner des réserves.

Migrer peut aussi faire partie d’une stratégie de reproduction. C’est sans doute ce qui incite les rorquals à bosse à se regrouper en hiver dans les eaux des Caraïbes. Ces grands rassemblements pourraient faciliter les rencontres entre les mâles et les femelles. Certaines espèces migreraient aussi pour protéger leur petit de la prédation par les épaulards, plus présents dans les hautes latitudes. Au sein d’une même population, il peut y avoir des individus qui migrent et d’autres qui ne le font pas. Peut-être s’agit-il d’individus non reproducteurs tels des juvéniles, des mâles non «compétitifs» ou des femelles non gestantes ou qui ne s’accoupleront pas cette année-là. Apercevrons-nous quelques-unes des ces baleines non migratrices dans le Saint-Laurent cet hiver?

À la limite de l’estuaire et du golfe, le nombre d’individus dénombrés augmente un peu, sans connaitre les abondances de l’été. Autour de Pointe-des-Monts, une dizaine de rorquals à bosse nageant séparément sont observés. Au large de Sept-Îles, le 19 octobre, au moins six rorquals bleus sont photographiés. Deux individus montrent la queue. «Je les vois chaque automne», relate l’observateur de longue date Jacques Gélineau. Il croise aussi deux rorquals à bosse et six rorquals communs. Aux alentours, de nombreux autres souffles apparaissent, mais trop loin pour identifier les espèces présentes. Près de la côte de Port-Cartier, il voit un petit rorqual. «Mais plus de marsouins communs.»

De l’autre côté du fleuve, en Gaspésie, Christian Ramp, coordonnateur de la recherche de la Station de recherche des iles Mingan (MICS) effectue une sortie avec René Roy. À partir de Gaspé, ils croisent cinq rorquals à bosse, un rorqual commun, plusieurs petits rorquals et une dizaine de rorquals bleus. Dans la baie, devant Cap-aux-Os, une riveraine s’exclame devant plus de petits rorquals qu’elle ne peut en compter.

Pour un armateur de croisières aux baleines installé dans le parc national Forillon, la saison d’observation 2019 est maintenant terminée. «Ce fut une saison particulièrement faste. De début juin à la mi-aout, nous avons eu beaucoup de rorquals à bosse et une grande diversité dans les observations. Chaque année, ce n’est jamais pareil, et c’est là la beauté et le défi de l’observation des baleines», conclut-il.

Observations de la semaine - 24/10/2019

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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