Moi, dans la vie, j’écris de la poésie. Les histoires de baleines, c’est assez nouveau dans mon parcours. Quand j’ai rejoint l’équipe de Baleines en direct, en juin, je me sentais prête à relever le défi de la vulgarisation scientifique, mais je ne savais pas encore comment j’allais m’y prendre! Voici, en quelques étapes, le déroulement de la rédaction d’un article.
1. Découvrir une nouvelle étude
Lors de ma première journée de travail, ma collègue Laure me parle d’un article à rédiger qui, selon elle, me conviendrait parfaitement: il s’agit de résumer de nouvelles études portant sur la transformation des chants de baleines à bosse à travers le temps et les populations. Pourquoi moi? Parce que je suis musicienne, bien sûr! Avec Jeanne, la rédactrice en chef, on convient que je me pencherai là-dessus «quand je me sentirai prête».
2. Me sentir prête
Quatre semaines plus tard et trois articles publiés derrière moi, je décide de commencer à rassembler de l’information sur mon sujet. Je commence par ouvrir le livre «Baleines et phoques» de Pierre-Henry Fontaine, ma nouvelle bible. Je lis tout ce que j’y trouve sur l’émission de sons, la communication et l’utilité des chants chez les rorquals à bosse. Ensuite, je feuillette l’index de l’Encyclopédie des mammifères marins, ma seconde bible, à la recherche des mots «chants», «communication» et «transmission». Je lis, je lis.
3. Vaincre le sommeil
Quand j’ai passé à travers tout le matériel me fournissant des infos « périphériques », je me décide à ouvrir les articles scientifiques. Quoi? 15 pages, 25 pages, 35 pages! Seule dans le bureau sombre, je tente de garder les yeux ouverts. Je soupçonne les études scientifiques, avec leur jargon et leur structure peu créative, de posséder des propriétés soporifiques sans précédent. Le truc pour se garder éveillé: lire à voix haute, et surligner ce qui parait important afin de rester alerte.
4. Paniquer (étape intermédiaire)
Je réalise bien assez vite que, malgré mes lectures, je n’ai pas tout compris, et que j’ai besoin de l’aide d’un professionnel.
5. Écrire au chercheur
Ayant repéré, telle une espionne, l’adresse courriel de l’auteur au bas de la dernière page de l’étude, je lui écris afin de lui demander de m’accorder un entretien. Il me répond quasi-immédiatement… pour me dire qu’il n’a pas beaucoup de temps prochainement, mais qu’on peut essayer de se fixer un rendez-vous. Fébrile, je lui envoie mes disponibilités et lui propose différents moyens de communication. Je prends environ une heure pour écrire mon message de 100 mots, parce que je souhaite démontrer mon impeccable maitrise de l’anglais.
Une dizaine de jours plus tard, j’ai finalement une date et une heure à inscrire à mon agenda ainsi qu’un lien Zoom sur lequel cliquer au moment venu.
6. Préparer l’entretien
Je dresse une liste de points à aborder durant l’entrevue et je prépare d’avance mes phrases les plus importantes. Je divise mes (innombrables) questions en une suite logique de quatre catégories. Je relis toutes mes notes à maintes reprises, et je repasse même une dernière fois à travers les études. Cette fois-ci, je n’ai pas sommeil du tout! Je suis à l’affut de chaque information qui pourrait m’être utile lors de ma discussion avec le scientifique.
7. Rencontrer le chercheur
Je ne tiens pas en place de toute la matinée. Impossible de me concentrer sur quoique ce soit! Enfin, l’heure arrive. Stressée, je me connecte sur Zoom. Le chercheur est très sympathique, tout compte fait! Il me donne des exemples éclairants pour m’aider à comprendre les concepts que je n’avais pas bien saisis, et on passe à travers toutes mes questions! Il m’accorde une heure de son temps. Je raccroche et me sens soulagée.
8. Écrire (enfin!)
Après mon entretien, j’écris le brouillon de mon article en une journée. Je tape, tape, tape sur mon clavier, sans interruption. J’ai enfin l’impression de connaitre mon sujet sur le bout de mes doigts et d’avoir à ma disposition toutes les ressources nécessaires pour écrire un article fascinant.
9. Écrire trop
Oups! Mon brouillon, une fois achevé, a 2200 mots! Les articles sur BED – petit surnom donné à Baleines en direct par l’équipe de rédaction – ne dépassent presque jamais 1000 mots. Je dois couper mon contenu de moitié! Misère de misère.
10. Écrire deux articles, finalement
Après m’être cassé la tête pendant près de deux semaines de réécriture, j’arrive finalement au bout de mes maux. Tout compte fait, j’ai scindé mon article en deux parties, Concevoir l’inconcevable 1 et 2. Ça m’a évité de retirer la moitié des informations que j’avais recueillies! J’ai aussi rajouté, à quelques endroits, le point de vue d’une chercheuse défendant l’hypothèse inverse de celle du chercheur à qui j’ai parlé, afin de maintenir un équilibre dans mon article. Il ne me reste plus qu’à trouver des images pour la mise en ligne, et le tour est joué!
Lisez mes articles ici:
Concevoir l’inconcevable (1/2): la métamorphose des chants des rorquals à bosse
Concevoir l’inconcevable (2/2): des gabarits pour les chants des rorquals à bosse