Certaines baleines peuvent porter les vestiges de leur passé. Parfois légères, parfois profondes, des cicatrices imprègnent la peau de ces mammifères marins. Plusieurs évènements peuvent mener à des démarcations, et ce à n’importe quelle étape de leur vie. Les causes sont multiples : elles peuvent être dues à des activités humaines ou à des interactions intra et interspécifiques, c’est-à-dire entre individus d’une même espèce et d’espèces différentes.

La peau des baleines, d’apparence lisse, est en contact direct avec l’eau et l’air. Elle recouvre une épaisse couche de graisse qui leur permet de s’isoler. L’absence d’une fourrure fait ainsi en sorte que des blessures sont bien visibles!

Pris au piège

Les engins de pêche sont composés de filets, cordes, pièges, lignes et dragues qui peuvent parfois se prendre sur d’autres espèces non ciblées. Les baleines peuvent s’empêtrer dans ces équipements, les laissant parfois marquées à vie.

Les cordes peuvent s’enrouler sur les nageoires latérales, dans la bouche ainsi qu’autour de la tête, du corps et au début de la nageoire caudale. Le fil tendu sur la peau de la baleine peut causer des dommages : ces blessures se caractérisent par des lacérations, encoches et coupures. Elles peuvent même causer l’amputation complète ou partielle des nageoires caudales et pectorales, ou dépigmenter la peau. Plus le serrement de la corde est prononcé et l’engin accroché est lourd, plus la blessure va être profonde. Les baleines empêtrées peuvent aussi perdre des dents ou des fanons si l’engin de pêche se situe dans leur bouche.

Coupé au vif

Les blessures par objets tranchants sont causées par un objet assez coupant pour tailler. Il s’agit surtout des éléments dont est équipé un bateau : hélice, aileron et gouvernail. Un cétacé qui entre en contact avec ces objets peut subir incisions, lacérations, hachages, etc. Des incisions parallèles et équidistantes, soit droites, soit en « S », caractérisent ce genre de blessure. La présence d’une seule coupure linéaire ou courbée est aussi une indication de ce traumatisme.

Collision à tribord

Un trauma contondant implique notamment le fait qu’une baleine se frotte ou se cogne contre une surface dure, comme une coque de bateau, un quai ou un dispositif d’ancrage, ou même une plage. Une collision peut, lorsqu’elle ne cause pas la mort, entrainer des cicatrices permanentes. La gravité et le type de marques vont dépendre de la taille et de la grosseur de la surface en question, l’angle d’impact ainsi que l’endroit touché sur le corps des baleines. Il y a plusieurs types de blessures : abrasion, contusion, lacération et fracture du squelette.

Les cicatrices peuvent se caractériser par une marque blanche qui traverse le corps, accompagnée d’une dépression. Une dépigmentation de la peau peut aussi différencier le site d’impact.

La compétition intraspécifique : une question d’offre et de demande

Chez certaines espèces de baleines, des batailles entre mâles sur les sites de reproduction peuvent mener à des cicatrices. Cela est dû au nombre limité de femelles prêtes à se reproduire face à la quantité de mâles disponibles. Ces comportements agressifs englobent des collisions, des coups de nageoires latérales et caudale, de pédoncule, de tête, de menton et de corps en entier, ainsi que des morsures.

Les risques de la prédation

Certains groupes d’épaulards ont un régime alimentaire spécialisé, faisant en sorte qu’ils préfèrent se nourrir uniquement de mammifères marins, comme de grands rorquals ou de cachalots, plutôt que d’avoir une diète variée. Ainsi, ces prédateurs s’attaquent parfois à des baleineaux près de sites de reproduction, les laissant cicatrisés à vie lorsque ces attaques sont non létales. Il est possible de voir les marques de dents (rake marks) des épaulards sur la nageoire caudale de certains individus. Les marques peuvent se retrouver ailleurs sur le corps, mais elles sont plus difficiles à distinguer.

La présence de trois marques ou plus qui sont parallèles et équidistantes caractérise ce genre de cicatrice. Dans certains cas, les attaques sont plus sévères : une amputation d’une partie de la nageoire caudale peut subvenir.

Une santé altérée

Les évènements qui mènent à la formation de cicatrices ont des effets sur l’état physique et psychologique des cétacés. La présence d’une coupure, aussi petite qu’elle soit, est un point d’entrée pour des microbes qui ralentiront la réparation des tissus.

La présence de cicatrices peut rendre la partie du corps affectée moins résiliente, causer une perte de mobilité et de fonction, ou même de l’atrophie. Il arrive que les femelles qui ont survécu à une collision meurent lorsqu’elles sont en période de gestation : la section cicatrisée sur l’abdomen s’ouvre en raison de la pression et de l’étirement de ce dernier par le fœtus. En outre, une nécrose des tissus peut mener à une amputation de certains membres.

Aux grands maux les grands remèdes

Les origines des cicatrices chez les différentes espèces de baleines sont multiples. Il est évident qu’il n’y a rien à faire pour contrôler les incidents intra et interspécifiques, puisque c’est la nature qui fait son œuvre! Des solutions sont tout de même envisageables afin de diminuer l’occurrence des cicatrices causées par les activités humaines. Par exemple, de nouveaux engins de pêche sans cordage permettent d’éviter les empêtrements. D’ailleurs, afin de soutenir les efforts de protection de la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition, ainsi que les autres espèces de baleines, des engins de pêche sécuritaires devront être obligatoirement utilisés à partir de l’année 2023. La diminution de la vitesse des bateaux dans les régions fréquentées par les cétacés ou tout simplement l’évitement de ces régions permet aussi de réduire les chances de collisions.

Il est aussi possible d’agir à plus petite échelle, tout en ayant un gros impact dans la protection des mammifères marins. Le GREMM offre des outils pour le public souhaitant agir. Notamment, la formation « Naviguer dans l’habitat des baleines » permet d’acquérir des connaissances sur les baleines et sur les règlements en vigueur pour les protéger. La sensibilisation et l’éducation au sujet des baleines et leur santé demeurent de puissantes stratégies pour assurer leur avenir!

Les baleines en questions - 20/10/2022

Chloé Laprise

Chloé Laprise a rejoint l’équipe de rédaction de Baleines en direct à l’automne 2022. Étudiante au baccalauréat en études de l’environnement à l’Université de Sherbrooke, elle a le souci de faire connaître les beautés de la nature et d’encourager sa protection à tous ceux qui s’y intéressent.

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