Pour protéger une espèce en voie de disparition, il faut connaitre ce qui empêche son rétablissement. Pour le béluga du Saint-Laurent, une des hypothèses est que la contamination nuit à sa santé et à sa capacité à se reproduire. Un nouveau projet de recherche multidisciplinaire se penchera sur la question durant les cinq prochaines années. Pour le réaliser, Pêches et Océans Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie offrent un financement de près d’un million de dollars dans le cadre du nouveau programme «Sciences pour l’avenir des baleines».

Réunissant des chercheurs de quatre universités au Canada, de deux ministères fédéraux et d’un organisme de recherche indépendant, le projet contribuera à dresser un portrait plus complet des contaminants qui s’accumulent dans les tissus des bélugas du Saint-Laurent et de leurs effets toxiques potentiels. Avec ce nouveau projet, le chercheur Jonathan Verreault de l’UQAM et ses collaborateurs cibleront plusieurs nouveaux contaminants n’ayant jamais fait l’objet d’un suivi dans cette population et qui pourraient représenter un risque pour la santé des bélugas, pour ainsi offrir des recommandations aux autorités compétentes.

Bélugas toxiques

La population des bélugas du Saint-Laurent est plus vulnérable à l’exposition aux contaminants parce qu’elle réside à l’année dans ce cours d’eau fortement industrialisé. Les contaminants ne sont pas nécessairement produits ou relâchés autour de son habitat essentiel, car ils proviennent majoritairement des effluents municipaux et des bassins versants le long du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Sans jamais de répit lié à une migration, le béluga se nourrit de proies vivant elles aussi dans le même milieu. Peu à peu, il accumule donc les contaminants dans son corps. C’est ce qu’on appelle la bioaccumulation. Une partie du projet de recherche se penchera sur la contamination des proies présumées des bélugas, pour mieux comprendre comment les contaminants sont transférés aux baleines.

De nombreux produits chimiques aujourd’hui bannis sont encore présents dans l’environnement, ce qu’on appelle des polluants organiques persistants (POP). À ceux-là s’ajoutent de nouveaux produits chimiques créés pour remplacer ceux interdits. Toutefois, la persistance et la bioaccumulation de ces nouveaux contaminants ainsi que leurs effets à long terme sont inconnus. Les bélugas du Saint-Laurent ont donc le potentiel d’être contaminés par de nombreux produits, et pour longtemps encore. «La menace créée par l’exposition chronique aux contaminants est subtile. Elle demande d’agir parfois à des centaines de kilomètres d’où on trouve les bélugas et de maintenir une pression soutenue et à long terme sur les instances politiques qui évaluent le risque que ces substances chimiques peuvent poser sur l’environnement», explique le chercheur responsable du projet, Jonathan Verreault.

Pour augmenter les connaissances sur les anciens et les nouveaux contaminants, mais également pour comprendre leurs effets toxiques potentiels sur les bélugas, son équipe de l’Université du Québec à Montréal et celle de Zhe Lu de l’Université du Québec à Rimouski collaborent. Un étudiant à la maitrise se penchera sur la tendance temporelle des contaminants environnementaux émergents, c’est-à-dire leur présence dans le temps et leur abondance. Un autre évaluera les effets de différents contaminants sur les fonctions thyroïdiennes du béluga, fonctions liées entre autres à la mise bas chez les femelles. Du côté de l’Université de Toronto, le chercheur Hui Peng effectuera une analyse non ciblée des contaminants, afin de dresser un portrait de l’ensemble des composés chimiques qui s’accumulent chez le béluga plutôt que de cibler certains contaminants spécifiques dont on connait déjà l’identité. «Cela nous permettra d’avoir un portrait plus représentatif et actualisé de la contamination chez cette population vulnérable», explique Jonathan Verreault.

Les échantillons étudiés proviennent des carcasses de béluga rapportées au Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, mais également des biopsies prélevées par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins.

Actualité - 12/3/2019

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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