Sur la Côte-Nord, la 138 épouse la courbe sinueuse du Saint-Laurent. Une conductrice jette de temps à autre un œil vers le fleuve, par-dessus les bancs de neige imposants. Le ciel bleu de février permet au regard de porter loin. Rendue près de Sheldrake, une communauté maintenant fusionnée à Rivière-au-Tonnerre, elle aperçoit un souffle en colonne. Elle gare sa voiture, en sort et tente de photographier l’animal avec son cellulaire.
La baleine effectue des mouvements en surface : elle s’alimente. Les rorquals utilisent leurs fanons comme un tamis pour filtrer l’eau et retenir à l’intérieur de leur bouche les proies, qu’elles pousseront vers l’œsophage avec leur langue.
Les fanons ont une drôle de texture, quelque part entre le cheveu et l’ongle. Vus de près, les fanons présentent deux lames dures comme des ongles entre lesquelles s’effilochent des poils très drus comme des moustaches de chat. Dans l’eau, les fanons sont plutôt souples.
Comme nos ongles et cheveux, les fanons poussent continuellement et s’usent. Par contre, les fanons ne tombent pas comme nos cheveux le font. Ainsi, on peut utiliser les fanons pour étudier la vie des baleines. En effet, certains évènements comme une période de stress intense ou une gestation laisseront des traces biochimiques dans les fanons. Une analyse de ces marqueurs permettra de retracer les dernières années de vie d’une baleine.
Le grand rorqual s’alimente donc en surface, sous les yeux de la conductrice qui prend le temps de profiter du privilège. Cette semaine, elle est la seule à nous rapporter une observation! Elle reprend la route, sachant que la baleine reprendra la sienne une fois le ventre plein.
Les observations se font rares ces jours-ci, mais l’anecdote nous démontre que la vie se cache probablement derrière le rideau des tempêtes. Vous avez vu quelque chose? N’hésitez pas à m’écrire! Votre histoire de baleine nourrira la prochaine chronique.