Malgré les analyses des croisements de données de conditions corporelles, de comportements et de la carcasse d’une femelle rorqual à bosse ayant séjourné à Montréal, les experts du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages et du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins n’ont pas pu trouver la cause du décès de l’animal. C’est ce que révèle le rapport d’incident publié le 19 janvier.

«Bien qu’une collision avec un bateau fût en premier lieu suspectée, l’autopsie réalisée sur ce rorqual n’a pas permis de confirmer cette hypothèse. La cause de la mort de cette baleine reste donc incertaine. On peut penser que son exposition prolongée à l’eau douce a pu nuire à ses fonctions physiologiques», explique le vétérinaire qui a supervisé la nécropsie, Stéphane Lair.

Dans tous les cas, son équipe et lui suspectent une mort soudaine, puisque l’animal n’a pas montré de signes d’affaiblissement les jours précédant sa mort ou d’émaciation marquée. Ses activités de surface spectaculaires (sauts, claquements de queues ou de pectorales par dizaines) montraient un jeune animal en forme.

Par contre, un des éléments qui s’est dégradé au fil du séjour du rorqual à bosse est la condition de sa peau. Au moment de la nécropsie, une bonne portion de son dos était couverte de champignons (oomycètes), avec à certains endroits des lésions cutanées. Le séjour prolongé en eau douce a pu jouer sur sa santé, la peau a pu s’infecter ou encore entrainer un déséquilibre des électrolytes, causant un dysfonctionnement du système nerveux central et concourir à causer sa mort. Toutefois, les analyses n’ont pas pu confirmer ou infirmer ces hypothèses.

Un voyage mystérieux

Qu’est-ce qui a amené cette femelle âgée de deux à quatre ans aussi loin de ses congénères dans le Saint-Laurent? Le mystère persiste. Toutefois, le rôle d’une maladie sous-jacente semble moins probable maintenant l’analyse complétée. La possibilité que l’animal soit arrivé en suivant des proies et qu’il n’ait pas su comment repartir dû à son manque d’expérience est possible. L’hypothèse d’un comportement exploratoire comme on en voit chez des individus juvéniles de plusieurs espèces de mammifères est celle qui est privilégiée par les experts. L’augmentation de la population de rorqual à bosse a aussi pu concourir à augmenter la compétition dans les aires d’alimentation et amener le rorqual à bosse à explorer de nouveaux territoires.

«L’aventure exceptionnelle d’un rorqual à bosse aux comportements particulièrement dynamiques durant le marasme d’un confinement sanitaire a attiré l’attention. Malgré les défis liés à la pandémie, nous avons déployé d’importants efforts concertés de suivi, tant sur la rive que sur l’eau, pour documenter la situation de la baleine et assurer sa sécurité. Cette visite nous a rappelé que nous partageons le Saint-Laurent avec des géants fragiles et a mis en lumière plusieurs enjeux de cohabitation comme le dérangement, la pollution sonore et les risques de collision», commente Robert Michaud, coordonnateur du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

«Le passage du rorqual à bosse à Montréal démontre que bien des questions sur l’écologie et sur le comportement de cette espèce restent à découvrir ainsi que sur les interventions à faire lorsqu’ils se trouvent en difficulté. L’augmentation des connaissances est essentielle afin de mieux comprendre l’effet de la modification profonde de l’écosystème sur cette espèce», conclut Stéphane Lair.

Rappel des évènements

Du 24 mai au 9 juin, un rorqual à bosse a attiré l’attention en se trouvant à l’extérieur de son aire de répartition habituelle. Vu à Saint-Irénée, Québec, Portneuf et à Trois-Rivières, le rorqual à bosse a finalement passé sept jours à Montréal aux alentours de l’ile Sainte-Hélène. Durant son séjour à Montréal, la baleine a fait l’objet d’un important suivi sur l’eau et à partir de la rive par l’équipe et les bénévoles du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins. Des équipes du Service de police de la Ville de Montréal et de la Garde côtière ont travaillé à prévenir les collisions et à faire respecter la distance règlementaire entre les embarcations et la baleine. Le 7 juin, la baleine n’est pas revue lors de la reprise des observations autour de l’ile Sainte-Hélène. Elle est possiblement vue au large de Pointe-aux-Trembles cette journée, mais les recherches pour la retrouver restent vaines. Tôt le matin du 9 juin, la carcasse d’un rorqual à bosse est repérée par un capitaine de navire commercial. La carcasse a pu être remorquée jusqu’au quai de Sainte-Anne de Sorel pour qu’elle puisse être analysée le 10 juin. Vu l’état de putréfaction dans lequel était la carcasse, les vétérinaires croient que l’animal est mort autour du 7 juin.

La présence d'un rorqual à bosse si près du quai de Saint-Irénée avait surpris les observateurs. Il sera plus tard identifié comme la baleine nageant à Montréal. © Jacques Vincent
Le premier signalement parvient de Québec, où un pêcheur a eu la surprise de croiser sa route. © Daniel Patry
À Montréal, le rorqual à bosse a attiré les foules, symbole d'espoir en pleine pandémie. © RQUMM
La condition de la peau du rorqual s'est dégradée par le séjour prolongé en eau douce. © Josiane Cabana, bénévole RQUMM
Si la cause de la mort ne peut être confirmée, elle est survenue soudainement, peut-être d'une collision ou d'une aggravation soudaine d'un problème de santé. © Josiane Cabana
Urgences Mammifères Marins - 27/1/2021

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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