Comme des milliers d’autres plaisanciers, vous profitez de la température clémente des jours d’été pour naviguer dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent? En quelques clics seulement, vous pourriez contribuer de façon significative à la recherche sur la navigation de plaisance en participant au projet de recherche de Camille Kowalski, candidate au doctorat à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
Un segment de la navigation mal documenté
«L’ensemble des acteurs du milieu s’entendent sur le fait que la plaisance est le segment de la navigation le plus mal documenté dans l’estuaire du Saint-Laurent et le Saguenay», affirme Kowalski. Contrairement à d’autres types de navires — la marine marchande, les traversiers, les croisières — les plaisanciers ne sont pas tenus d’être équipés d’un appareil qui transmet en temps réel leur positionnement (le transpondeur AIS). Cela rend difficile l’estimation de la contribution des plaisanciers au bruit sous-marin de la navigation dans l’estuaire du Saint-Laurent et dans le Saguenay. Ce secteur représente l’habitat estival du béluga du Saint-Laurent.
Face à ce constat, Camille Kowalski lance un appel aux plaisanciers, les invitant à partager leurs trajectoires GPS. En combinant ces données à des relevés visuels et acoustiques, elle pourra dresser un portrait général de la navigation de plaisance dans l’estuaire du Saint-Laurent et le Saguenay, une première étape vers une meilleure connaissance de l’utilisation de ce secteur.
Comment participer?
Il suffit d’utiliser votre système de navigation habituel (comme Navionics) ou de télécharger l’une des applications mobiles présentées par la chercheuse, de la lancer au début de votre sortie en mer, de la transmettre à [email protected] à votre retour au quai, puis de répondre à un bref questionnaire concernant vos pratiques et votre type d’embarcation. Aucun équipement couteux nécessaire, seulement votre téléphone!
Ces premières données recueillies permettront de répondre à plusieurs questions jusqu’à maintenant sans réponse. Quels types de plaisanciers fréquentent quels secteurs? À quelle fréquence naviguent-ils dans le Saint–Laurent? Parmi les secteurs favorisés, lesquels sont aussi fréquentés par les bélugas? «Il ne s’agit pas de contrôler le comportement de plaisanciers en particulier, mais plutôt d’avoir un échantillon qui nous permettra de dresser un portrait global de la plaisance afin d’orienter nos recherches», précise le codirecteur du projet, Clément Chion, chercheur et professeur à l’UQO.
Affiner le portrait
En plus de solliciter la participation des plaisanciers par l’entremise de son site web, de sa page Facebook et d’affiches posées dans les marinas, la jeune chercheuse est aussi présente sur le terrain. Depuis plusieurs mois, elle scrute l’horizon à partir de Rivière-du-Loup, où elle mesure la position des plaisanciers ainsi que celle des bélugas, «afin de documenter d’éventuelles interactions entre les deux», clarifie-t-elle. Grâce à un hydrophone, des données sonores sont également recueillies dans ce secteur. La chercheuse pourra ainsi associer les «signatures sonores» des bateaux et des bélugas à ses observations. Ces paramètres supplémentaires lui permettront d’affiner le portrait réalisé grâce aux trajectoires GPS.
Quand les bateaux seront rangés
Même quand les plaisanciers auront quitté les eaux du Saint-Laurent durant l’hiver, les recherches se poursuivront. Pour la suite de son projet, Camille Kowalski intègrera ses données à une plateforme de simulation qui représentera les mouvements des mammifères marins et des navires. Jusqu’à maintenant, il n’y avait que la dimension de la navigation commerciale. Avec le projet de Kowalski, des plaisanciers virtuels pourront «naviguer» dans la simulation et prendront des décisions similaires à celles auxquelles les plaisanciers réels seraient confrontés sur l’eau pendant l’été.
Clément Chion croit que la participation volontaire des plaisanciers permettra de renforcer la conservation des mammifères marins et que le partage de leurs trajectoires est un geste concret pour contribuer à cet effort. Son étudiante abonde dans le même sens, et précise que le but de ses recherches n’est absolument pas «d’émettre un jugement sur le comportement d’un particulier : les données que nous recueillons sont strictement utilisées pour la recherche et jamais sans l’autorisation des plaisanciers».
Pour les plaisanciers, il s’agit donc d’une occasion unique de contribuer à la recherche scientifique et de participer à faire de l’estuaire du Saint-Laurent un exemple de coexistence entre la navigation et les écosystèmes marins.