Le 23 octobre dernier, une carcasse de baleine à bec commune est retrouvée sur les berges de Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans, près de Québec. 30 ans plus tôt, à quelques jours près, un individu de la même espèce s’était échoué à Montmagny. La nouvelle a rapidement fait le tour des médias, et pour cause! La présence de l’espèce est rare dans le Saint-Laurent et encore plus exceptionnelle au niveau de Québec. Apprenons-en un peu plus sur ce cas très particulier!
Un détour par Montmagny et Lévis?
Plus d’une semaine avant que la carcasse soit retrouvée, quelques personnes ont signalé une baleine dans le même secteur. Le jeudi 17 octobre, on a rapporté au Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) la présence d’une baleine près du traversier Québec-Lévis, se dirigeant vers l’amont. Une autre vidéo montrant une baleine à bec nageant près du quai de Montmagny a aussi été prise en début de soirée le même jour. S’agirait-il de l’individu qui s’est échoué par la suite? Impossible de le confirmer.
Des données scientifiques pour mieux comprendre l’espèce
L’intervention sur le terrain a permis de récolter plusieurs échantillons afin d’en apprendre plus sur ce cas. Ces prélèvements permettront, par exemple, de savoir à quelle population de baleine à bec commune cet individu était apparenté. Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM, explique que l’espèce est présente à plusieurs endroits. « On les retrouve dans l’Atlantique, au large de la Nouvelle-Écosse, mais aussi au large de Terre-Neuve, dans le détroit de Davis. » Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a attribué le statut « en voie de disparition » à la population du plateau néo-écossais.
Lors de la nécropsie de la carcasse, aucune cause évidente de la mort n’a pu être détectée par les scientifiques. L’équipe a toutefois retrouvé des centaines de becs de calmar dans l’estomac de la baleine. L’espèce est reconnue pour ses capacités de plongée, en temps et en profondeur. Ceci lui permet de bénéficier de ressources alimentaires vivant à plus de 1 000 m vers le fond, dont les calmars!
On peut donc en déduire que l’animal devait s’être bien alimenté, excluant les hypothèses de troubles de santé souvent abordés lors de ce type d’événement. Comme pour plusieurs autres cas de cétacés hors habitats, les causes de la présence de cet individu dans le Saint-Laurent resteront sans doute bercées de mystère.
Défis pour le RQUMM
La gestion de ce cas a présenté un défi de taille pour le RQUMM. La présence de phoques est chose courante dans ce secteur, mais certainement pas celle d’une baleine à bec! La médiatisation et la présence de curieux et curieuses sur la scène ont permis d’effectuer beaucoup de sensibilisation. Au niveau technique, la grosseur de la carcasse – plus de 2500 kg – a requis l’utilisation d’une pelle mécanique et d’un dix roues pour le déplacement. Trouver un endroit adapté pour réaliser la nécropsie n’a pas non plus été de tout repos! La collaboration rapide et efficace de la ville de Québec, des compagnies d’excavation locales et des citoyens a permis au RQUMM de coordonner le rapatriement de cette carcasse vers un lieu d’enfouissement technique. Cela a permis au Centre québécois sur la santé des animaux sauvages de réaliser une nécropsie en vue de déterminer les causes de mortalités.
30 ans plus tôt… Un autre échouage de baleine à bec
La présence de cette baleine n’est pas sans rappeler des souvenirs à quelques personnes. « Quand même spécial, il y a presque exactement 30 ans – 1994-11-08 – nous avions fait la nécropsie d’une baleine à bec commune femelle adulte … à Montmagny. » souligne Stéphane Lair, vétérinaire spécialiste en santé de la faune sauvage, qui a aussi participé à la nécropsie de la baleine à bec cette année. À l’époque, l’équipe avait identifié qu’il s’agissait d’une femelle allaitante et la carcasse d’un juvénile avait été retrouvée quelques jours plus tard.
Patrice Corbeil, directeur du Centre d’interprétation des mammifères marins à Tadoussac (CIMM) se souvient aussi de ce cas de 1994. Une partie du squelette de l’individu trône au CIMM, à Tadoussac! « On a récupéré le crâne, c’est tout ce qui nous reste de cette baleine », précise-t-il. En 2021, deux baleines à bec s’étaient échouées vivantes dans la baie des Chaleurs : l’un des deux individus est mort et son squelette a aussi été récupéré par l’équipe du CIMM. Quant au squelette de la baleine à bec de l’ile d’Orléans, des démarches sont en cours pour acheminer une partie de celui-ci au musée des Îles-de-la-Madeleine.
Important
Si vous voyez une baleine ou un phoque dans un secteur inhabituel, composez sans tarder le 1-877-722-5346, le numéro d’Urgences mammifères marins. Un membre du RQUMM pourra alors vous guider et mettre en œuvre les opérations nécessaires.