Qu’elles mangent du krill, du poisson ou des invertébrés, les baleines viennent s’alimenter dans l’immense buffet que constitue le Saint-Laurent. Du grand rorqual bleu aperçu dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent au plus petit marsouin vu à Sept-Îles, les mammifères marins ingurgitent leurs repas, reprenant des forces après une longue migration. Les petits rorquals exécutent des prouesses pour prendre les plus grandes bouchées possible un peu partout, tandis qu’en Gaspésie un rorqual à bosse s’alimente en surface, affichant ses fanons.
Alimentation de surface des rorquals à bosse en Gaspésie
En Gaspésie, la saison d’observation des baleines a commencé en force cette année : « On est choyés depuis le début de la saison, commente un habitué. Il fait super beau, presque pas de vent. Il y deux communs qu’on voit régulièrement et beaucoup de petits rorquals. Ce matin, cinq bosses ont été repérées. » Il a aussi eu la chance de voir un rorqual à bosse s’alimenter en surface. Il s’agit d’un comportement rarement observé dans le Saint-Laurent, mais plus fréquent dans le Pacifique. Dévoilant leurs fanons, leur énorme gorge est déployée pour engouffrer le maximum de nourriture.
Les rorquals à bosse sont aussi bien connus pour leur technique d’alimentation sophistiquée de nuage de bulles. En expirant de l’air par leur évent, ils créent des bulles d’air pour effrayer leurs proies. Les séries de bulles peuvent même encercler les proies qui se retrouvent piégées tandis que le rorqual à bosse peut prendre une belle grande bouchée. La Station de recherche des Îles Mingan a déjà observé la technique de la pêche au filet de bulles à quelques reprises, mais le comportement reste assez rare dans cette région. Ce phénomène est bien documenté au large de l’Alaska et du au nord de la Colombie-Britannique.
De Mingan à Franquelin
Pour des plaisanciers qui naviguent dans le coin de Mingan, chaque sortie sur l’eau s’accompagne d’observations d’oiseaux ou de mammifères marins qui sont consignées minutieusement. Le 2 juin à 9h30, la journée commence en beauté avec quelques marsouins communs qui nagent au large. Des escales pour ramasser des déchets permettent d’ajouter un beau geste écologique à la sortie. Leur chemin croise la route de petits rorquals et de phoques. « Une trentaine de phoques du Groenland qui brassent l’eau et une nuée de goélands au-dessus. » Cormorans, guillemots à miroir, sternes, goélands et mouettes ponctuent aussi la journée riche en observations.
À Sept-Îles, une pygargue à tête blanche plane dans le ciel pendant qu’un trio de petits rorquals s’alimentent. Peut-être des capelans qui roulent sur les plages? Leur période de frai est entre la mi-avril et juillet dans le Saint-Laurent. On rapporte aussi la présence de plus d’une vingtaine de marsouins communs. Une riveraine a profité du beau temps pour marcher sur la plage à Gallix : « C’était tellement beau ; je marchais sur la plage, la mer était calme et je me disais que je verrais bien quelque chose… Après un certain temps, au large une première brève apparition d’un petit rorqual au loin se dirigeant vers l’ouest et puis 15 min plus tard, un petit rorqual (peut-être le même) se dirigeant cette fois-ci vers l’est à la brunante. »
Dans l’estuaire, un trajet entre Matane, Pointe-des-Monts et Franquelin offre à un passionné des cétacés « une visibilité parfaite sur une mer calme ». Si aucun grand rorqual n’a été rencontré, quelques bélugas s’alimentaient devant Pointe-des-Monts. Les oiseaux étaient aussi de la partie : « Phalaropes à bec étroit qui tournaient frénétiquement sur eux-même en surface pour soulever les invertébrés dont ils se nourrissent. » Un grand souffle au large près de la baie Saint-Nicholas entre Franquelin et Godbout est plutôt mystérieux. Il s’agit certainement d’un grand rorqual, mais difficile d’identifier l’espèce. Un peu plus à l’Est, à Godbout, un petit rorqual breache au loin, des marsouins sont présents en grand nombre et deux immenses phoques gris sortent longuement la tête à travers le miroir de l’eau, décrit avec poésie une passionnée.
L’émerveillement dans le parc marin!
Les belles histoires de rencontres avec les mammifères marins s’accumulent pour ceux et celles qui passent du temps près du fleuve. Aux Escoumins, une nord côtière a eu la chance de voir des baleines de très près, et ce depuis la rive! « Un petit rorqual est passé tout près, raconte-t-elle, le souffle nous a même surpris! Il y avait aussi un rorqual commun très au large qui a décidé de se rapprocher de nous et est passé près des rochers. Pour compléter le tout, il y avait aussi un béluga solitaire, un phoque gris et un total d’une quinzaine de marsouins communs. »
Les bélugas nagent quant à eux devant Saint-Irénée et Saint-Siméon, au grand plaisir des riverains qui les admirent depuis la rive. À Port-au-Persil, une baleine blanche est observée le 2 juin par temps calme, ainsi que trois à quatre marsouins communs.
Une observation de phoques du Groenland a surpris une saisonnière qui en est déjà à son troisième été. « Je n’avais encore jamais de ma vie vu des phoques du Groenland et franchement, c’était magique. C’était le highlight de ma journée et de la croisière et pourtant, on avait aussi vu plein de rorquals communs. Mais leur façon de nager et de se tourner sur le dos -et leur tête tellement cute – c’était juste magique. Je me suis sentie comme un enfant qui découvre quelque chose de tout nouveau et intéressant. » L’observation des baleines aurait-elle le pouvoir de nous faire voyager en enfance?
Le plus grand nageur des océans a également été vu dans la dernière semaine. En effet, un rorqual bleu a été observé dans le parc marin! « C’est tout en beauté que débute cette saison », souligne une observatrice. « Des communs toujours aux dunes accompagnaient une bleue et des bosses. Pas mal de phoques ici et là, marsouins et petits rorquals en chasse parmi des milliers d’oiseaux au large de Tadoussac. Dimanche, au départ des Escoumins, un festin royal entre oiseaux et mammifères marins. Les bosses, la bleue, les communs, les petits et bélugas se forgeaient une place dans le buffet marin parmi les mouettes et goélands. Que de spectacles pour le mois de mai et ce début juin! »
Des nouvelles de Tic Tac Toe
Le rorqual à bosse Tic Tac Toe (H509) est de retour dans le parc marin depuis le 29 mai. Sa condition corporelle plus maigre que normale a inquiété la communauté qui tient particulièrement à cette vedette du Saint-Laurent. Les premières images transmises par les capitaines et naturalistes montrent un animal sévèrement amaigri. Son cas est suivi de près par l’équipe du Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM).
Les images captées par drone n’ont pas permis de voir des signes de collision ou d’empêtrement mais confirment que Tic Tac Toe est en mauvaise condition. Les vétérinaires et experts consultés jugent sa condition critique. Pour l’instant on ignore ce qui a conduit Tic Tac Toe à cet état mais des images de drones prises en septembre 2023 montrent qu’elle était déjà amaigrie en comparaison avec les autres rorquals à bosse présents dans l’estuaire. Sa condition s’est détériorée au cours des derniers mois. On ignore si Tic Tac Toe est en mesure de s’alimenter. On sait toutefois que des animaux dans un état semblable peuvent survivre plusieurs semaines voire plusieurs mois. Peu de cas de rétablissement ont toutefois été observé. Ces situations sont habituellement irréversibles. Le sort de Tic Tac Toe dépendra de sa capacité à s’alimenter. La présence d’un bon nombre de grands rorquals dans le parc marin depuis quelques semaines laisse croire que la nourriture est présente. C’est en évitant de déranger Tic Tac Toe que nous pourrons favoriser son rétablissement.
Afin de lui laisser les meilleures chances pour qu’elle se rétablisse, le RQUMM rappelle à tous les usagers du PMSSL de rester loin de Tic Tac Toe et de ne pas l’inclure dans les activités d’observations. Si vous la voyez ou avez un doute sur son identité, gardez quand même vos distances et contactez immédiatement le RQUMM au 1-877-722-5346. Ne vous approchez pas pour prendre des photos ou des vidéos.
Où sont les baleines cette semaine? La carte des observations
Cette semaine signe le retour de la carte des observations de la semaine! Ces données ont été rapportées par notre réseau d’observatrices et observateurs. Elles donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!
Cliquez sur les icônes de baleine ou de phoque pour découvrir l’espèce, le nombre d’individus, des informations supplémentaires ou des photos de l’observation. Pour agrandir la carte, cliquez sur l’icône du coin supérieur droit. La carte fonctionne bien sur Chrome et Firefox, mais pas aussi bien sur Safari.
Pour faire apparaitre la liste des observations, cliquez sur l’icône du coin supérieur gauche.
Merci aux collaborateurs et collaboratrices!
Merci aux observateurs et observatrices qui partagent avec nous leur amour pour les mammifères marins! Vos rencontres avec les cétacés et les pinnipèdes sont toujours un plaisir à lire et à découvrir.
Ce sont vos yeux, sur l’eau ou depuis la berge, qui permettent à cette rubrique de voir le jour.
Odélie Brouillette
Marie-Andrée Charleboix
Thalia Cohen-Bacry
Guylaine Côté
Patrice Corbeil
Laetitia Desbordes
Diane Ostiguy
Jade-Audrey Lavergne
Élizabeth Melis
Stephane Pagès
Valérie Patry
Renaud Pintiaux
Pascal Pitre
Christine Stadelmann
Jean Roy
René Roy
Andréanne Sylvain
Marielle Vanasse
Et à tous les autres!
Merci aussi aux équipes qui partagent leurs observations :
Centre d’éducation et de recherche de Sept-Îles (CERSI)
Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)
Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM)
Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM)
Station de recherche des Îles Mingan (MICS)
Vous souhaitez vous aussi partager vos observations?
Vous avez observé des mammifères marins dans le fleuve Saint-Laurent? Qu’il s’agisse d’un souffle au large ou de quelques phoques, écrivez-nous et envoyez-nous vos photos à [email protected]!