Élizabeth, assistante de recherche pour le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) depuis mai 2022, photographie les bélugas. Elle participe également à l’analyse des données et des images des baleines. En l’honneur de la Journée internationale des femmes et des filles de science, elle nous raconte son parcours, ce que c’est d’être une femme en science et son amour fou pour les baleines.
Parle-nous un peu de ton parcours
Mon premier emploi dans le domaine des mammifères marins c’était avec le GREMM, en 2019. Je travaillais comme assistante de recherche durant l’été entre le cégep et l’université. J’ai ensuite fait un DEC en sciences environnementales au College Dawson à Montréal et après, mon baccalauréat en sciences biologiques à l’Université de Montréal. C’est là que j’ai rencontré Jade-Audrey, ma future collègue de travail au GREMM! À chaque été pendant mon baccalauréat, je revenais vers Tadoussac. Pendant les étés 2020 et 2021, j’ai travaillé pour le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent avec les baleines. Je travaillais à la baie Sainte-Marguerite et aussi sur les bateaux de croisières pour faire des relevés et des décomptes de baleines. Puis, quand j’ai terminé mon baccalauréat en avril 2022, j’ai été assez chanceuse, j’ai eu un poste au GREMM.
Comment as-tu vécu cette découverte du monde des mammifères marins?
Très jeune, je savais que je voulais travailler avec les animaux. Puis, petite erreur de jeunesse : je suis allée à Sea World avec ma famille quand j’avais 7 ans, à San Diego. J’avais participé à un spectacle, il y avait des dauphins et des globicéphales dans un aquarium. Déjà à cette époque, je trippais, mais je pense que c’est quand j’avais 10 ou 12 ans, quand on était venu à Tadoussac et qu’on avait fait une croisière que j’ai réellement découvert ma passion. Là, c’était ÉNORME. Pour moi, c’était le gros déclencheur. C’est une chose les voir dans les documentaires animaliers ou dans un aquarium, mais là, j’étais assez vieille pour comprendre la beauté de ces animaux. Ça a été le gros coup de foudre et à ce moment, je savais que c’était ce vers quoi je voulais m’enligner. Quelque chose qui m’avait vraiment marquée en croisière, et encore à ce jour, c’est le souffle des baleines. C’est surtout le premier, quand elles sortent de l’eau et que ça faisait longtemps qu’elles n’avaient pas respiré. On côtoie beaucoup de mammifères, mais c’est rare qu’on les entende respirer comme ça.
Parle-nous d’un souvenir lié à ton emploi au GREMM
Celui qui me vient en tête rapidement s’est déroulé au début d’octobre dernier. On était sur l’eau, c’était une belle et calme journée d’automne. On avait un peu de misère à trouver des bélugas au début. On finit par en trouver quelques-uns, peut-être une vingtaine d’individus, puis le soleil a commencé à sortir et on était rendus à cinquante bélugas, ce qui est un bon nombre. Selon la météo, le vent allait rapidement se lever et ce serait plus difficile pour travailler. Je regarde alors au loin et je vois ce qui ressemble à plein de moutons blancs, comme des vagues. Je me dis que le vent s’est levé d’un coup, mais les moutons se déplacent bizarrement. Je consulte mon collègue Mathieu et on réalise que ce sont des bélugas. Il y avait 200-250 bélugas qui venaient vers nous! On savait que ça allait être difficile de tous les prendre en photo et de manquer le moins d’individus possible. Ça été la folie furieuse. Mais c’était vraiment cool parce que, bien qu’à l’automne ce soit un peu plus fréquent que les bélugas se regroupent, ça ne m’est pas souvent arrivé d’en voir. Et surtout de les voir arriver de loin. On était sur un zodiac, on se sentait vraiment petits dans notre bateau! Une vraiment belle surprise, on ne s’attendait pas à grand-chose. Si je me rappelle bien, je pense que j’ai pris autour de 500 photos cette journée-là!
Quels sont les défis auxquels tu es confrontée?
J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de barrières pour les femmes dans le domaine des sciences et dans la vie en général. Des fois, c’est plus difficile d’avoir confiance en soi et de se voir à sa juste valeur. De foncer : il ne faut pas avoir peur de ça.
Dans mon parcours, je réalise que j’ai vraiment été chanceuse, mais je sais que dans le cadre de mes études post-secondaires, j’ai des amies qui ont vécu du sexisme. Il y a également l’écart salarial. Selon Statistique Québec, en 2021, les femmes blanches gagnent autour de 91% du taux horaire des hommes et on ne parle même pas des femmes racisées, autochtones, des femmes nouvellement arrivées, donc il y a des barrières systémiques qui sont encore en place.
Comment vois-tu la place des femmes en sciences et comment les encourager à s’engager davantage dans le domaine scientifique?
Premièrement, je pense que les femmes ONT leur place dans le domaine des sciences. Les femmes ont leur place partout. Moi, pendant mes études, je n’avais pas l’impression que les femmes étaient minoritaires, ni dans mes emplois, mais je sais que ce n’est pas comme ça pour tout le monde.
Je trouve que pour encourager les filles, il faut démontrer que les femmes de sciences existent, qu’elles sont là, et mettre en lumière les parcours diversifiés, intéressants et possibles pour que les jeunes femmes et les jeunes filles puissent voir que oui, c’est possible. J’ai l’impression que ça prendrait plus de femmes dans des postes haut placés – direction, gestionnaire – pour montrer qu’on n’a pas seulement une place au sein de l’équipe, mais qu’on peut grandir et progresser dans le milieu. On n’est pas limitées à certaines strates hiérarchiques.
Ça passe beaucoup par l’éducation. Il y a une part de responsabilité chez les hommes, mais aussi chez tous ceux qui ont un privilège. Moi, en tant que femme blanche, j’ai un privilège comparativement à une femme racisée. Je crois que c’est aux gens privilégiés de le reconnaitre et d’utiliser ce privilège pour aider les autres. Ça prend beaucoup d’entraide, beaucoup de compassion.