Cette semaine encore, les rorquals à bosse s’en sont donné à coeur joie, nous permettant peut-être d’admirer pour une dernière fois leurs cabrioles dans l’estuaire avant leur départ pour les eaux tropicales. Ces observations en mer sont empreintes à la fois de nostalgie et d’excitation en prévision de la prochaine saison estivale.
Une apparition rarissime dans l’estuaire maritime
Au large de la baie de Tadoussac, des rorquals à bosse à profusion fendent les eaux de leurs souffles, parfois seuls, quelques fois en paires, mais plus impressionnant encore, souvent en larges groupes, plongeant en synchronie! De nombreux breachs ont également ébahis les observateurs et observatrices à maintes reprises à travers la semaine.
Parmi les individus observés, nombreux ont pu être identifiés, notamment Katana, Alias, Gaspar, Queen, Albator et nul autre que Fleuret! Cette femelle est connue de la Station de recherche des îles Mingan (MICS) depuis 1982 et observée souvent près de Gaspé et dans la région des îles Mingan et de l’ile d’Anticosti. Il est plus rare cependant de la voir s’aventurer dans l’estuaire maritime. Cette vieille baleine de plus de 40 ans et sa mère, Pseudo (H008), sont les plus vieilles femelles fréquentant encore le secteur. Fleuret est d’ailleurs la mère de sept baleineaux. C’est un observateur expérimenté du MICS qui a su l’identifier, notant la forme particulière de sa dorsale ainsi que les marques qu’elle présente.
Autour des rorquals à bosse, des centaines de dauphins à flancs blancs naviguent les courants. Les deux espèces s’entremêlent, la lenteur des mouvements des grandes baleines contrastant avec la fluidité hors pair de la course des delphinidés. Il était possible de voir ces derniers surfer sur les vagues, sautant ici et là, tels de vrais lièvres des mers. Fidèles à leurs habitudes, petits rorquals, bélugas, marsouins communs et phoques gris se baladent également parmi les autres créatures.
Des prouesses éblouissantes
Plus bas dans l’estuaire, d’autres rorquals à bosse se donnent en spectacle très près des côtes, au grand plaisir des riverains et riveraines. Ils peuvent admirer les sillons sous leurs grandes gueules gonflées perçant la surface alors qu’ils s’alimentent, s’empiffrant de krill à quelques semaines du début de leur long voyage migratoire.
Une admiratrice de ces baleines nous raconte d’ailleurs les phénoménales observations dont elle a été la spectatrice : « Le 6 novembre, en observation de la rive, entre Baie-Comeau et Franquelin, deux rorquals à bosse étaient en éclaboussants déplacements! Le premier est apparu du bout d’une pointe de roches en s’élançant dans les airs pour une première série de quatre breachs. » S’en suit quelques spectacles de pectorales, puis une deuxième répétition de ces prouesses. L’autre individu plonge un peu plus près, affichant des bandes éclatantes sur sa caudale. « Les deux rorquals à bosse se sont rejoints par la suite, montrant des souffles contrastés par le froid et les rayons de novembre. »
Lors du mardi suivant, jour de tempête, un second citoyen a également observé une trentaine de dauphins à flancs blancs parcourant les flots ainsi que bien des oiseaux marins, tels que des eiders et des bruants des neiges.
À Pointe-Des-Monts, plusieurs phoques gris plongent en compagnie d’une paire de rorquals à bosse et un petit rorqual pointe le bout de sa dorsale hors de l’eau. Du côté de Mingan, un petit rorqual circulait tranquillement.
La faune du golfe serait-elle à risque?
En Gaspésie, certains rapportent la présence de quelques rorquals à bosse, alors que René Roy, cétologue amateur, s’inquiète de la baisse apparente du nombre de visiteurs aquatiques dans l’estuaire : « Mes observations correspondent à ce que la majorité des scientifiques constatent eux aussi depuis trois ans. Les choses changent drastiquement pour notre estuaire et le golfe n’est malheureusement pas pour le mieux pour la faune aquatique. » L’hypoxie – conséquence des changements climatiques caractérisée par une baisse drastique du niveau d’oxygène dans l’eau – affecterait l’entièreté de la chaîne alimentaire des eaux du Saint-Laurent dont les prédateurs supérieurs sont nos baleines. Malheureusement, ce phénomène s’observe déjà occasionnellement à la tête de l’estuaire. Le réchauffement climatique commencerait-il déjà à affecter l’abondance d’individus dans le secteur?