En juin dernier, le Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM) a reçu un nombre anormalement élevé de signalements concernant des phoques morts ou malades. Les analyses effectuées ont bel et bien révélé la présence du virus de la grippe aviaire chez le phoque commun, une maladie qui sévit dans les populations d’oiseaux sauvages à travers le pays depuis le début de l’année.
Des chiffres qui ont sonné l’alarme
Qu’est-ce qui a mis la puce à l’oreille des intervenants? Le RQUMM a recensé 93 carcasses de phoques communs depuis le début de l’année, soit 3 fois plus qu’une année record, et 6 fois plus qu’une année moyenne. En juin seulement, ce chiffre s’élève à 65 carcasses. La grippe aviaire a vite été suspectée de jouer un rôle dans cette hausse de mortalité. Le RQUMM a donc récupéré et échantillonné quinze carcasses, et le tout a été acheminé au Centre québécois sur la santé des animaux sauvages à des fins d’analyse. Les résultats démontrent que 11 des 15 phoques communs échantillonnés étaient atteints de la souche eurasienne de la grippe aviaire ; H5N1 (IAHP). Une souche hautement pathogène qui se transmet facilement d’un animal à l’autre et cause une maladie grave. Pour l’instant, seuls les phoques communs semblent tomber malades du virus et la propagation au Québec est limitée à la région du Bas-Saint-Laurent.
La grippe aviaire, juste chez les oiseaux ?
Le nom de cette souche peut porter à confusion ! Au Canada, la maladie touche des espèces telles que le Fou de Bassan, la bernache du Canada, l’oie des neiges, l’eider à duvet, les goélands, l’urubu à tête rouge, les corvidés, le pygargue à tête blanche et plusieurs espèces d’oiseaux d’élevage. Toutefois, il est connu que cette souche d’influenza peut être transmise des oiseaux aux mammifères. Aux États-Unis, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a également confirmé la présence de ce virus chez des phoques échoués au Maine. En Amérique du Nord, le H5N1 aurait aussi infecté d’autres espèces de mammifères. Entre autres, des ratons laveurs, des loutres, des lynx, des renards roux, des mouffettes rayées et deux humains.
Les experts ne savent pas précisément comment le virus a été transmis des oiseaux aux phoques communs. La proximité des deux espèces sur les échoueries pourrait avoir favorisé des contacts étroits entre celles-ci et exposé les phoques aux fluides corporels et aux excréments d’oiseaux infectés. On ne sait pas encore avec certitude si le virus peut se transmettre entre les phoques.
La grippe aviaire à l’échelle mondiale
La grippe aviaire est-elle une pandémie ? Cette maladie, qui sévit actuellement au Canada, est aussi présente dans d’autres pays d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Elle serait présente depuis environ 2 ans. Peut-on parler d’une pandémie ? Chez l’être humain, lorsqu’une maladie infectieuse se propage dans une région donnée, il s’agit d’une épidémie. Si la propagation dépasse les frontières d’un pays et s’attaque à un continent ou au monde entier, on parle de pandémie. Des termes différents sont utilisés quand il est question d’autres espèces animales: l’épizootie est l’équivalent de l’épidémie et la panzootie, de la pandémie. Ici, on parlerait donc d’une panzootie !
Mais qu’est-ce que la grippe aviaire?
Pour comprendre la grippe aviaire, il est nécessaire d’expliquer un peu plus en profondeur le virus qui en est l’origine. Il existe quatre types de virus de l’influenza : A, B, C et D. Ces types distincts ont la capacité de causer des infections chez différentes espèces et de sévérité variable. Les virus de type B ne touchent généralement que les humains et peuvent causer des épidémies, mais pas de pandémies. Ceux de type C infectent surtout les humains, mais parfois les chiens ou les cochons. Ils engendrent des symptômes bénins et ne sont pas associés à des épidémies. Les virus de type D se retrouvent chez les bovins seulement. La grippe aviaire, ou influenza aviaire, est causée par différents sous-types du virus de l’influenza de type A. Les virus de ce type ont la capacité de contaminer plusieurs espèces différentes dont les oiseaux, le vison, le porc, l’humain, le chien, le cheval, le cochon sauvage, la baleine, le phoque, l’humain et beaucoup plus.
Différentes souches de virus de type A peuvent causer la grippe aviaire, telles H7N1, H9N2, H5N1 et H7N9. La souche qui cause actuellement la pandémie de grippe aviaire, et qui atteint également les phoques, est H5N1.
Comme l’explique le médecin vétérinaire Stéphane Lair, de l’Université de Montréal, « Bien que les risques de transmission de ce virus influenza à l’Homme et aux animaux domestiques semblent faibles, il est recommandé de ne pas s’approcher, et surtout de ne pas toucher un phoque malade ou mort. On préviendra aussi les contacts entre nos animaux domestiques et les phoques ou les oiseaux morts. »
L’arrivée de l’été offre une lueur d’espoir puisque la propagation de ce virus semble s’atténuer pendant cette saison.