Un dauphin s’est retrouvé en fâcheuse position le 21 novembre dernier, près de Gros-Cap, aux Îles-de-la-Madeleine. Un marcheur avec ses enfants découvre un cétacé se débattant dans peu d’eau à environ 5 mètres de la plage. Il contacte le Centre d’appels du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, à qui il transmet aussi des photos et des vidéos. Grâce aux images, le spécialiste présent au Centre d’appels peut confirmer que l’animal est un dauphin, sans pouvoir en préciser l’espèce. Le dauphin parvient à se déplacer légèrement, mais tombe sur le côté à l’occasion, confirmant qu’il est en eau très peu profonde.

D’urgence, le vétérinaire spécialiste en faune sauvage Stéphane Lair est consulté. L’animal n’a pas l’air en trop mauvaise condition. Toutefois, il recommande de préparer le matériel pour une remise à l’eau s’il se retrouvait échoué complètement. Les dauphins étant sensibles au stress, il exclut un déplacement qui obligerait à sortir l’animal de l’eau et à le déplacer en camion pour le relocaliser. Les agents des pêches formés pour les remises à l’eau sont avertis afin d’être prêts à intervenir en cas de besoin.

La famille témoin doit partir, elle appelle à nouveau au Centre d’appels pour préciser que le dauphin est reparti vers le large, qu’il se trouve maintenant à une trentaine de mètres de la plage. Une bénévole est envoyée sur place pour poursuivre la surveillance de l’animal. Toutefois, à son arrivée, la bénévole ne le trouve pas. Le lendemain, d’autres bénévoles vont patrouiller sur la côte, sans revoir l’animal. Lundi, les agents des pêches retournent sur les lieux et ne repèrent pas non plus le dauphin.

Que s’est-il passé? Qu’est-ce qui a amené l’animal si près du bord et qu’est-ce qui l’en a éloigné? Il est possible que le dauphin ait voulu fuir une menace, comme un prédateur. Il est aussi possible que l’animal soit malade ou désorienté. A-t-il repris des forces et pris le large par lui-même? A-t-il été attrapé par un prédateur? Est-il mort? Comme dans bien des cas, l’équipe du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins ne connait pas la fin. Toutefois, la documentation de cet incident vient nourrir les connaissances sur les échouages, un phénomène peu fréquent au Québec.

Un échouage rare

Au cours des cinq dernières années, une quinzaine d’échouages de cétacé vivant a eu lieu sur les rives du Saint-Laurent, soit deux à six échouages par année. Ces évènements impliquent surtout de petits cétacés à dents, comme des marsouins ou des dauphins. En cinq ans, la seule baleine à fanon qui s’est échouée vivante est un rorqual à bosse. Elle s’était échouée en mars 2018 aux Îles-de-la-Madeleine. Dans certains cas, l’animal a pu reprendre le large, même si nous ne savons pas s’il a survécu, mais majoritairement, les animaux qui s’échouent meurent rapidement.

Que faire si vous trouvez une baleine échouée vivante?

Par définition, on considère comme « échoué vivant » un cétacé vivant qui touche le fond, qui cesse de flotter librement et qui n’est plus libre de ses mouvements. Puisqu’une baleine est un mammifère, contrairement à un poisson, elle peut survivre un bon laps de temps hors de l’eau dans certaines conditions.

  • Le premier réflexe à avoir est de composer le 1 877 722-5346, la ligne d’urgences du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.
  • Composez le 1 877 722-5346. La personne au Centre d’appels pourra évaluer avec vous la situation et entrer rapidement en contact avec les spécialistes en santé animale et les personnes formées pour intervenir dans ces situations délicates.
  • Restez à distance de la baleine : elle peut être imprévisible et vous blesser ou être porteuse de maladies. De plus, en restant à distance, on évite d’augmenter son stress probablement déjà très élevé.
  • Ne tentez pas de la manipuler : une mauvaise manipulation peut lui être fatale.

Pour chaque nouveau cas, les différentes options sont analysées par une équipe composée de vétérinaires et de spécialistes des mammifères marins, qui s’appuie sur le cadre éthique développé par le Réseau. Par exemple, si l’animal peut repartir par lui-même, il sera surveillé. Si l’animal est trop faible ou blessé ou encore si le remettre à l’eau comporte un risque de propagation de maladie, on pourra envisager une euthanasia.

Si un incident découle directement d’une cause humaine, des efforts seront toutefois déployés pour venir en aide à l’animal en difficulté. De même, si l’incident implique un individu appartenant à une espèce menacée ou en voie de disparition, les spécialistes évalueront si le sauvetage de l’animal pourrait contribuer au rétablissement de la population. D’autres contextes particuliers peuvent aussi justifier une intervention. Dans le cas des globicéphales, par exemple, une espèce grégaire et sociable, la remise à l’eau d’un individu échoué vivant peut éviter que d’autres membres du groupe s’échouent eux aussi sur la plage.

Lorsque la décision est prise d’intervenir auprès de l’animal, si l’animal semble vigoureux et si des équipes formées et possédant un permis de Pêches et Océans Canada sont disponibles, on tentera de trouver un site de remise à l’eau sécuritaire pour les intervenants et pour l’animal. Idéalement, l’animal doit avoir un libre accès à la mer sans avoir à faire des manœuvres de navigation complexes.

Urgences Mammifères Marins - 26/11/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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