Avec le projet de transformer la raffinerie Shell de Montréal en terminal pétrolier le 1er novembre prochain, le nombre de navires chargés de son approvisionnement naviguant dans le Saint-Laurent augmentera dans une proportion de 25 %, selon Nicole Belval, la porte-parole de la multinationale.

Mais, le président du syndicat des travailleurs de la raffinerie, Jean-Claude Rocheleau, juge plutôt ce chiffre « très conservateur ». Au moins 150 bateaux seront nécessaires (au lieu de 100), voire plus de 300, ce nombre variant selon leur capacité de transport et leur accessibilité aux quais. Et des super-navires avec une cargaison de 180 000 à 200 000 barils auraient de la difficulté à passer dans la Voie maritime, surtout en raison du niveau d’eau insuffisant.

Le tonnage a presque doublé en 15 ans, précise Marc Hudon, président du Conseil consultatif régional sur le déversement des hydrocarbures en milieu marin pour la région de Québec. En 2009, 432 navires de produits pétroliers ont remonté le fleuve jusqu’à Montréal.

Augmenter nos capacités d’intervention pour des risques importants et connus

En plus de la faible profondeur globale de ses corridors de navigation, le Saint-Laurent est réputé dangereux pour ses marées, forts courants, hauts-fonds et glace. « Ce qu’il faut se rappeler, c’est que chaque fois qu’on augmente les risques, il faudrait qu’on augmente nos mesures d’intervention », commente Robert Michaud, le président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM). Il décrit certains chenaux de l’estuaire comme étroits, avec des coudes et de faible profondeur. « La pollution pourrait se répandre très rapidement sur les zones fragiles, comme les marais salants ou les zones côtières ».

L’impact sur l’écosystème marin pourrait être catastrophique à long terme, notamment pour la population de bélugas, pour qui la mort d’à peine une dizaine d’individus compromet le rétablissement pour au moins une décennie. Il craint aussi la répercussion de l’augmentation du trafic maritime sur eux, en termes de pollution sonore et de risques de collisions accrus.

Dans le cas d’un déversement d’essence de grande ampleur, « la toxicité immédiate serait importante sur les milieux marins », souligne Émilien Pelletier, professeur en océanographie à l’Université du Québec à Rimouski. De plus, les risques d’incendie sont plus grands que pour une fuite de pétrole brut.

Tous les intervenants consultés par le quotidien Le Devoir sont d’avis qu’on ne pourrait faire face à un déversement de grande ampleur s’il survenait aujourd’hui. Marc Hudon insiste donc sur la nécessité d’adapter les procédures d’intervention afin de pouvoir répondre à des déversements provenant de navires qui ont pris du poids au fil des années. Selon lui, il faudrait notamment améliorer la formation des équipes d’urgence et adapter les équipements utilisés.

Réduire vitesse et tonnage des navires

« Le mot d’ordre n’est pas de dire qu’il faut fermer le Saint-Laurent, mais, par exemple, réduire la vitesse des navires et leur tonnage, mais aussi maintenir les aides à la navigation. Cela veut dire augmenter les coûts pour les armateurs », selon Robert Michaud.

Or, pour une diminution des coûts, certains armateurs plaideraient pour l’abolition des pilotes du Saint-Laurent, obligatoires à partir des Escoumins. En raison de la baisse du niveau d’eau, d’autres exigent que la Voie maritime soit draguée à nouveau dans certains secteurs, ce qui aurait pour effet de remettre en circulation des contaminants, en plus d’assécher davantage les berges. Émilien Pelletier déplore d’ailleurs cette tendance lourde, plutôt favorable à la déréglementation. Mais, prévient-il, « on paie toujours un prix pour un relâchement des règles ».[Le Devoir, Radio-Canada]

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Actualité - 19/8/2010

Christine Gilliet

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