Depuis l’été 2014, deux événements changent la donne le long de la côte est des États-Unis : la décision d’agrandir l’habitat essentiel de la baleine noire et la levée du moratoire pour les activités sismiques pour trouver des hydrocarbures. Si ce nouvel habitat essentiel était désigné, l’industrie pétrolière verrait des obstacles se dresser devant la conduite de ses projets. Au Canada, la question de la taille de l’habitat essentiel est posée alors que la répartition des baleines noires semble s’étendre hors des sites connus.

Les services du gouvernement fédéral des États-Unis, les National Oceanographic and Atmospheric Administration Fisheries, projettent d’augmenter la superficie de l’habitat essentiel de la baleine noire de l’Atlantique Nord (Eubalanea glacialis) dans l’Atlantique du Nord-Ouest. Cette décision est intervenue le 21 novembre 2014 au moment où le gouvernement fédéral a conclu un accord avec une coalition environnementale. Cette coalition composée de quatre groupes environnementaux, regroupant des dizaines de millions d’individus, avait mené une action en justice contre le gouvernement fédéral. Elle lui reproche d’avoir pris cinq ans de retard pour prendre ces mesures de conservation afin de protéger la baleine noire.

Cette espèce en voie de disparition ne compte plus que 500 individus après avoir été menée au bord de l’extinction par une chasse commerciale intensive. Depuis l’arrêt de cette chasse, elle est mise en péril par les collisions avec les navires, la côte est des États-Unis étant une région de trafic maritime très fréquentée, et les prises accidentelles dans des engins de pêche.

Selon le processus de la désignation de l’habitat essentiel pour une espèce, les services du gouvernement ont commencé la période de consultation publique le 17 février dernier et recevront les commentaires pendant 60 jours. Cette désignation doit s’accompagner d’une analyse des impacts possibles sur les régions concernées et notamment d’un point de vue socioéconomique.

Une nouvelle donne pour l’exploration pétrolière

La désignation de l’habitat essentiel ne devrait pas créer de changements réglementaires pour le trafic maritime et la pêche commerciale. Mais en ce qui concerne l’exploration pétrolière et gazière, elle risque de bloquer ses activités. Pour explorer les fonds sous-marins, les compagnies ont recours à des levés sismiques qui consistent à envoyer des ondes sonores explosives de grande intensité, de manière répétitive (toutes les 10 secondes environ), ceci pouvant durer plusieurs semaines.

Neuf compagnies pétrolières ont récemment demandé des permis d’exploration pour la côte est des États-Unis dans des régions visées par la désignation du nouvel habitat essentiel. C’est en juillet 2014 que le gouvernement fédéral avait levé le moratoire instauré depuis plus de trente ans pour ce type d’activités, et quatre ans après la marée noire du golfe du Mexique causée par l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon. Dans le cas où l’habitat essentiel serait désigné et couvrirait les régions convoitées par les compagnies pétrolières, celles-ci devront apporter la preuve que les levés sismiques et les autres opérations liées à l’exploration ne dérangent pas les baleines noires ou ne représentent pas de danger pour son rétablissement.

Au Canada, l’habitat essentiel mériterait d’être agrandi

La nouvelle de l’augmentation cet habitat essentiel est fort bien accueillie par les acteurs de la conservation de la baleine noire au Canada, notamment l’océanographe Kim Davies de l’université Dalhousie. Les États-Unis prévoient de multiplier par 12 la taille de l’habitat essentiel. Dans le golfe du Maine, une des régions visées, la superficie sera multipliée par 4. Les baleines noires qui fréquentent le golfe du Maine s’en vont aussi plus vers le nord et traversent la frontière maritime entre les États-Unis et le Canada.

Le gouvernement fédéral canadien a désigné dans ses eaux deux régions d’habitat essentiel pour la baleine noire, dans le bassin Roseway en Nouvelle-Écosse et le bassin du Grand Manan dans la baie de Fundy au Nouveau-Brunswick. Ces deux zones ne représentent, au mieux, qu’un quart de la superficie devant être protégée par les États-Unis dans le golfe du Maine, déplore Kim Davies dans une entrevue accordée à la CBC. Une grande différence d’effort entre les deux pays, souligne la scientifique.

Elle ajoute que le Canada concentre ses mesures de conservation sur ces deux bassins alors qu’il doit y avoir d’autres habitats essentiels de la baleine noire qui ne sont pas encore identifiés, en Nouvelle-Écosse et dans le golfe du Saint-Laurent. Des observations y ont été réalisées de manière opportuniste depuis le milieu des années 1990. Il y aurait aussi d’autres régions d’alimentation pour la baleine noire, mais qui sont encore inconnues, ajoute Kim Davies.

Les déplacements des baleines noires posent encore des questions aux spécialistes, d’autant plus que, depuis quelques années, les observations sont beaucoup moins nombreuses dans les sites traditionnels. Pendant l’été et l’automne 2014, une équipe de chercheurs des États-Unis et du Canada a d’ailleurs démarré un programme de repérage des baleines noires par l’usage de petits sous-marins autonomes dans les eaux du plateau néo-écossais et du bassin Roseway.

Sources

Sur le site de la National Oceanic and Atmospheric Administration (en anglais seulement):

NOAA proposes to expand critical habitat for endangered North Atlantic Right Whales

Sur le site de CBC (en anglais seulement):

Proposed right whale protected habitat expansion pleases Kim Davies

Pour en savoir plus

Sur le site de la National Oceanic and Atmospheric Administration (en anglais seulement):

North Atlantic Right Whale Videos & Photos

Interactive North Atlantic Right Whale Sightings Map

Sur le site de Pêches et Océans Canada:

Baleine noire de l’Atlantique Nord

Sur le site de Baleines en direct:

La baleine noire (fiche signalétique)

La baleine noire (archives de Baleine Magazine)

Actualité - 27/2/2015

Christine Gilliet

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