Les assistants de recherche du GREMM photographient un groupe de bélugas. En y regardant de plus près, ils font une découverte surprenante : un béluga sans queue nage au milieu de ses congénères! À la place des deux lobes habituels de la nageoire caudale, ce béluga, encore inconnu de l’équipe de recherche, porte un moignon blanc. Il faudra le recroiser dans l’estuaire pour tenter d’en apprendre plus sur la façon dont il s’est blessé et son adaptation à ce handicap. Ce n’est pas la première fois qu’une baleine sans queue est observée, mais ces cas restent occasionnels.

Perdre sa queue

Depuis janvier 2018, au moins trois baleines grises sans nageoire caudale sont aperçues le long des côtes californiennes. Chose certaine, ces animaux n’ont pas été attaqués par des requins ni des épaulards! Au contraire, il semble que leur amputation soit due à un empêtrement dans des engins de pêche. En nageant à travers du cordage ou des filets, les baleines peuvent se retrouver avec du matériel coincé à la base de la queue. Selon la gravité de l’empêtrement, le cordage va, peu à peu, scier la nageoire caudale ou encore couper la circulation sanguine jusqu’à la nécrose des tissus.

Selon les biologistes marins, le pronostic pour une baleine sans queue n’est pas encourageant. Une majorité des individus blessés succomberait à la perte de leur nageoire caudale. Une baleine handicapée doit surpasser de nombreux défis, dont une alimentation moins efficace et des déplacements difficiles, qui pourraient être particulièrement gênant durant la migration. Pour une mère ayant un jeune baleineau, une absence de nageoire caudale peut aussi signifier qu’elle ne pourra pas défendre son petit contre les attaques des épaulards.

S’adapter

Toutefois, certains animaux parviennent à surmonter ces difficultés et à s’adapter à leur handicap. En 2017, un rorqual commun ayant une demi-nageoire caudale visite l’estuaire du Saint-Laurent. Du côté de la Californie, les trois baleines grises contournaient l’absence de leur queue en se tournant sur le côté pour respirer et en contorsionnant leur corps à la façon d’un tire-bouchon pour obtenir assez d’impulsion pour la plongée.

© GREMM
© GREMM

Les baleines handicapées intéressent même Hollywood. Le film L’incroyable histoire de Winter le dauphin (Dolphin Tale en anglais) s’inspire d’un dauphin de deux mois trouvé, en 2005, en Floride. La nageoire caudale de la jeune femelle est sévèrement sectionnée par un cordage attaché à un casier à crabe. Rapidement amené au Clearwater Marine Aquarium pour la soigner, Winter le dauphin perd sa queue. Malgré son handicap, elle arrive encore à nager et à plonger : elle ondule d’un côté à l’autre comme un poisson et utilise ses nageoires pectorales comme des rames. Deux ans plus tard, pour éviter que ce type de nage crée un stress à sa colonne vertébrale, Winter reçoit une prothèse de nageoire caudale. Elle se remet alors à nager comme une baleine : en oscillant sa queue de haut en bas. Dix ans plus tard, Winter, aidée de sa queue de plastique, nage toujours à l’aquarium.

Et les rorquals?

Si on ne voit pas de rorqual à bosse sans queue malgré qu’ils s’empêtrent fréquemment, c’est peut-être tout simplement parce qu’ils ne survivent pas longtemps sans nageoire caudale. Les grands rorquals ont une technique d’alimentation particulière qui demande une grande puissance de la nageoire caudale afin d’engouffrer une énorme quantité d’eau et de nourriture. Sans elle, ces baleines sont peut-être condamnées.

Actualité - 16/8/2018

Aurélie Lagueux-Beloin

Aurélie Lagueux-Beloin est rédactrice pour Baleines en direct depuis l’été 2018. Aimant autant faire de la science qu’en parler, elle complète sa maitrise en biologie à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’un certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Sur les ondes de CISM 89,3 FM, elle coanime l’émission de vulgarisation scientifique Le Lab. Aurélie est touche-à-tout et s’intéresse autant aux baleines qu’aux dinosaures en passant par les bancs de krill!

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