Par Maureen Jouglain

Des dinosaures aux créatures abyssales, le gigantisme fascine. De nombreuses espèces venant de différents milieux et à différentes époques présentent une taille imposante, du mammouth au ptérodactyle, en passant par la longue baleine bleue. Dans une étude publiée en mai 2017 dans le Proceedings of the Royal Academy B, des chercheurs percent le mystère de l’évolution du gigantisme chez les mysticètes.

Les baleines à fanons sont parmi les plus grands animaux ayant existé sur Terre. Si on a longtemps pensé que le caractère gigantesque de ces espèces était apparu peu de temps après ces dernières, les découvertes de ces chercheurs viennent ébranler nos hypothèses. À partir de l’analyse de 140 fossiles de mysticètes, le groupe de chercheurs remarque en effet un phénomène intéressant : toutes ces espèces ont grandi très rapidement et au même moment. Apparus il y a environ 30 millions d’années, les mysticètes mesuraient alors de 5 à 9 mètres de longueur (environ la longueur actuelle d’un petit rorqual). Ce n’est qu’il y a 4,5 millions d’années qu’elles auraient atteint les dimensions qu’on leur connait aujourd’hui.

Une nouvelle dynamique océanique

La croissance soudaine des mysticètes coïncide avec le refroidissement du climat et la formation dans l’hémisphère nord de grandes calottes de glace. Au printemps et en été, les nutriments piégés dans les glaces sont libérés dans les eaux libres et s’amoncellent près des côtes. Emporté par les courants, le plancton s’accumule dans ces zones et croît de façon significative au contact des eaux riches en matière nutritive. À partir de ce moment, la distribution alimentaire dans les océans est bouleversée. Jusque-là dispersé dans l’océan, le plancton commence à former des concentrations saisonnières, parfois séparées par des milliers de kilomètres.

Face à cette nouvelle dynamique, la taille devient un caractère soumis à une forte pression de sélection. Ainsi, les individus aux dimensions les plus généreuses, ayant plus de réserves, sont capables de voyager sur de plus longues distances et profitent de ces garde-mangers fraichement formés. Les plus petits, quant à eux, disparaissent progressivement et font place à l’ère des géants.

Être géant

Être plus grand que les autres comporte de nombreux avantages. Les géants sont plus enclins à se trouver au sommet de la chaine trophique et sont donc beaucoup moins sensibles à la prédation. En contrepartie, ils sont bien plus à risque d’extinction en temps de crise ou de changements environnementaux. L’extinction du Crétacé-Tertiaire, célèbre pour avoir balayé les dinosaures non-aviens de la surface de la Terre, témoigne de ce risque. Exposés aux bouleversements climatiques, les animaux de grande taille furent incapables de se cacher et de survivre à la rupture de la chaine alimentaire. Cet évènement met en lumière la vulnérabilité écologique des géants et soulève des questions sur les possibles impacts des changements climatiques sur eux. Finalement, derrière leurs airs imposants se cache une grande fragilité.

Sources :

  • Slater, G. J., Goldbogen, J. A., & Pyenson, N. D. (2017, May). Independent evolution of baleen whale gigantism linked to Plio-Pleistocene ocean dynamics. In Proc. R. Soc. B (Vol. 284, No. 1855, p. 20170546). The Royal Society.
  • Vermeij, G. J. (2016). Gigantism and its implications for the history of life. PloS one, 11(1), e0146092.
Actualité - 11/10/2017

Collaboration Spéciale

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